Essais & documents
Questions de société et d'actualité de Edwy Plenel
Stock 2001 / 15.57 €- 101.98 ffr. / 250 pages
Médicis Essai 2001
ISBN : 2234054400
Du passé, pourquoi faire table rase ?
Dans le sillage du dérisoire séisme provoqué par l'outing du Premier ministre concernant son passé dans l'OCI de Pierre Lambert, Edwy Plenel, directeur de la rédaction du Monde, prend aujourd'hui sa plume pour se livrer, à son tour, au petit jeu de l'aveu.
Un aveu pleinement assumé, d'ailleurs, tant ce récit pourrait être sous-titré : "J'avoue que j'ai (bien) vécu mon trotskisme." Car si Plenel confirme - la chose était d'ailleurs connue - avoir activement milité au sein de la Ligue communiste révolutionnaire de 1969 à 1979, il se refuse à jouer les effarouchés et insiste sur la valeur formatrice de cette expérience : "Le trotskisme comme expérience et comme héritage fait à jamais partie de mon identité, non pas comme un programme ou un projet, mais comme un état d'esprit, une veille critique faite de décalage et d'acuité, de défaites et de fidélités." Plus encore : il souligne l'importance de cet héritage pour toute une génération de politiques (le désormais célèbre "Michel" en tête) et d'intellectuels (Maurice Nadeau, François Maspero, David Rousset...). Pourquoi, dès lors, faire table rase du passé ? "On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans", disait Rimbaud, que Plenel cite en épigraphe - est-ce une raison pour réfuter en bloc les choix faits du temps de l'"oisive jeunesse" ? Fustigeant ceux qui résument leur parcours trotskiste à une simple erreur d'aiguillage et le frappent du sceau de l'infâmie, Plenel adopte une position intègre, lucide voire, parfois, ouvertement revendicatrice.
Parallèlement à ce questionnement sur le sens d'un tel non-débat dans notre société, Plenel se livre avec talent à l'évocation autobiographique. Se dessine le portrait d'un jeune militant dont la fougue romantique surprenait - et, parfois, inquiétait - les caciques de la Ligue, au point qu'on lui refusa son détachement politique aux Antilles (où le réclamait le groupe "Révolution socialiste) sous prétexte qu'il s'agissait surtout pour lui de faire son "voyage de Rimbaud" !
Des vues pénétrantes, une capacité saisissante à prendre du recul et à ne pas se laisser (em)porter par le courant de la polémique : on trouve tout cela dans Secrets de jeunesse, mais aussi une voix intime, qui donne à entendre en toute confiance et en toute conscience ce que fut la France de l'après-68, et à quels choix furent confrontés ceux qui avaient vécu, de près ou de loin, le printemps révolutionnaire. Un témoignage passionnant, loin des proclamations tapageuses, aussi sobre dans son style que pertinent dans sa pensée.
Pierre Brévignon
( Mis en ligne le 29/10/2001 )
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