L'actualité du livre
Essais & documentset Questions de société et d'actualité  

Sept ans de solitude
de Eric Halphen
Denoël - Impacts 2002 /  19 €- 124.45  ffr. / 248 pages
ISBN : 2.207.25338.4

Le printemps des juges

C’est le printemps des juges. Coup sur coup, et alors que le magistrat Eva Joly a demandé sa mise en disponibilité de la place Vendôme, deux éminentes figures de la Justice française publient leurs minutes personnelles. Sur deux modes toutefois bien différents. Si Laurence Vichnievsky, dans Sans instructions (Stock) se dit sereine, Eric Halphen, quant à lui, dit la "solitude" du juge d’instruction décidé à remplir sa mission. Retour sur une carrière peu ordinaire qui a connu un coup d’arrêt fatal le 4 septembre 2001, lorsque le juge Halphen est dessaisi du dossier d’instruction sur les HLM de Paris. Le parquet de la capitale prend pour prétexte des vices de procédure, ce qu’Eric Halphen dénonce, naturellement. Premières charges qui en annoncent d’autres, dans ce qui devient vite un bilan où l’amer l’emporte largement sur le doux. Dans la colonne du passif, des noms, familiers pour avoir défrayé la chronique judiciaire et souvent bien au-delà, des sept dernières années : HLM de Paris, OPAC (sic), Didier Schuller, rapport Xavière Tiberi, cassette Méry, affaire Maréchal… jusqu’à la convocation, en qualité de témoin, du président de la République, Jacques Chirac, dans l’affaire de la gestion du parc HLM de Paris.

On ne trouvera toutefois pas, dans ce livre, ce qui fait le succès de la presse à scandale : les révélations. Peu de détails croustillants ; presque pas de noms ; de très rares attaques personnelles. Eric Halphen est sobre. Il s’en tient à une discrétion doublement fondée, selon lui : par la loi, qui veut que l’on taise les détails d’une instruction ; par l’honneur également. Il n’est toutefois pas d’une grande tendresse, ni pour ses collègues magistrats, ni pour ses ministres de tutelle (seul le premier des quatre trouve un peu grâce à ses yeux). Journalistes, avocats, policiers, politiques défilent, corps après corps, devant le tribunal Halphen ; et son réquisitoire n’est pas clément. Enfin, revenant sur la multiplication des "affaires" dont il est un des symboles, Eric Halphen explique le pourquoi de cette "juridicialisation" des affaires publiques, et en premier lieu, de la politique. La décentralisation, qui a donné un pouvoir inédit aux élus locaux – et donc suscité des tentations de corruption proportionnelles – est une explication majeure. La seconde découle du phénomène de l’alternance et de la cohabitation, qui veut que les partis au pouvoir n’empêchent pas les affaires concernant les partis adverses d’être instruites.

Du récit d’un désamour grandissant, celui du juge Halphen et de la justice française, que retenir ? Eric Halphen écrit, pathétique : "J’ai profondément aimé mon métier", pour expédier son bilan de magistrat d’un laconique "tout ça pour ça". Quelle est la part de théâtre dans cette chronique d’une mort annoncée ? Faut-il croire le juge Halphen ? Lorsqu’il dit le parquet aux ordres de son ministère de tutelle, sans aucun doute. Lorsqu’il dénonce l’arbitraire et l’irrégularité des décisions ayant débouché sur sa chute, on peut s’interroger. Au moins parce que le lecteur ne peut juger sur de simples affirmations… On trouvera donc le dossier de la défense Halphen un peu léger.

Vianney Delourme
( Mis en ligne le 07/03/2002 )
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