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Comment sauver (vraiment) la Sécu - Et si les usagers s'en mêlaient ? L'exemple des médicaments
de Philippe Pignarre
La Découverte - Sur le vif 2004 /  6.40 €- 41.92  ffr. / 130 pages
ISBN : 2-7071-4267-0
FORMAT : 11x19 cm

Sauvons la Sécu!

Philippe Pignarre, professeur à l’université de Paris-VIII et auteur d’ouvrages tels que Comment la dépression est devenue une épidémie, est un spécialiste reconnu de l’industrie pharmaceutique et du système de sécurité sociale et de santé en France.

Prenant comme sujet de réflexion la future réforme de l’assurance maladie, et s’appuyant sur l’exemple des modifications récemment apportées aux régimes de retraite, l’auteur s’emploie à développer la problématique suivante : le sauvetage de la sécurité sociale dans le respect des attentes et des besoins des citoyens ne pourra s’effectuer qu’avec non seulement leur accord, mais également leur participation réelle, et l’abandon des «modèles» présentés comme le seul espoir de réforme structurelle efficace.

Philippe Pignarre prend comme point de départ la situation de l’industrie pharmaceutique, en pointant ses propres contradictions : inflation – affichée – des budgets de recherche, faible apport des nouvelles molécules, et lobbying appuyé auprès des décideurs politiques. En décortiquant les messages lancés par les grandes firmes pharmaceutiques, qui appellent à toujours plus de crédits et vendent des médicaments de plus en plus chers, avec comme slogan «les profits d’aujourd’hui garantissent les progrès de demain», l’auteur démontre brillamment les contradictions de ce secteur, qui innove de moins en moins tout en bénéficiant d’une grande indulgence de la part de tous : caisses de sécurité sociale, gouvernements successifs et grand public.

Le modèle américain est certainement le plus évocateur : aux antipodes des systèmes de couverture sociale en vigueur en Europe, la valeur refuge se trouve dans le libre choix des médecins et des assurances privées, avec un jeu de libre concurrence entre les divers prestataires. Cependant, moins de la moitié des américains choisissent aujourd’hui leur médecin et leur hôpital, contre près de 95% il y a dix ans. Les assurances ayant exercé une pression de plus en plus forte sur les employeurs, ces derniers ont souscrit massivement des contrats extrêmement restrictifs en termes de remboursement, de temps de consultation et d’accès aux médicaments.

A partir de cet exemple, Philippe Pignarre s’interroge sur les avantages d’un système de régulation privée du secteur de la santé, que le discours ambiant décrit comme étant à la fois plus performant et moins coûteux. Son analyse prétend plutôt démonter le bien-fondé d’une implication plus grande des pouvoirs publics dans ce domaine : faire entrer ces problématiques dans le champ politique permettrait ainsi de développer une culture de la transparence, très éloignée des pratiques actuelles dominées par le marketing et le souci du moindre coût.

Selon l’auteur, une des solutions serait à rechercher auprès des associations de patients. L’AFM (Association Française contre les Myopathies), à l’origine du Téléthon, a ainsi réussi à s’introduire dans le champ très fermé de la recherche et de la mise au point de nouvelles thérapies, en ayant pris soin de ne pas faire décider à leur place de l’allocation des crédits, y compris par les scientifiques. Cette émergence du public permettrait de contourner l’éternel problème du déficit démocratique des organismes de sécurité sociale, et d’offrir un véritable lieu de décision et de pouvoir au public.

Cette question est bien le fil directeur de la réflexion de Philippe Pignarre, qui dès l’introduction de cet essai souhaite offrir à l’opposition de gauche des pistes de réflexion quant à la réforme de la sécurité sociale, certainement l'un des débats les plus difficiles de l’année en cours.

Passionnant de bout en bout, d’un parti pris très affirmé, ce court texte a pour atout principal de lancer des pistes de débats, appuyées par des exemples et des illustrations très concrètes, et de démontrer au lecteur que ces problématiques plutôt arides le concernent en premier lieu. L’adhésion totale aux thèses défendues est accessoire, l’essentiel est de provoquer une réflexion, de générer des opinions, et en ce sens cet ouvrage est une vraie réussite.

Guillaume Blanco
( Mis en ligne le 05/05/2004 )
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