L'actualité du livre
Essais & documentset Questions de société et d'actualité  

Un juif pour l'islam
de Florence Heymann
Stock - Un ordre d'idées 2005 /  21.50 €- 140.83  ffr. / 301 pages
ISBN : 2-234-05740-X
FORMAT : 14x22 cm

Sublime oxymore

A travers la vie de Léopold Weiss Muhammad Assad, c’est la véritable odyssée d’un juif allemand qui nous est comptée, qui se lit comme un très beau et grand roman. Cette existence est le très long parcours, un périple où elle se confond à l’histoire mouvementée de l’Orient contemporain. XXe siècle. Palestine, Egypte, Syrie, Turquie, Iran, Afghanistan puis Pakistan, autant de pièces d’un puzzle musulman et oriental dont le personnage partage les crises et les tourmentes. Jusqu’à devenir ministre et ambassadeur aux Nations-Unies…

Sa famille descend d’une importante lignée de rabbins orthodoxes proches du courrant hassidique, mais s’est acclimatée jusqu’à l’assimilation parfaite, exemple lumineux, parmi tant d’autres, d’une bourgeoisie juive libérale au cœur du XXe siècle. C’est dans ce contexte que naît et grandit Léopold Weiss, tout en prenant vite conscience de son identité particulière et de l’antisémitisme rampant dans la société allemande. Raison pour laquelle il se rallie aux idées de la «société nouvelle», modes de pensée proche du matérialisme : l’image de Dieu ne passe pas, ou plus, par le spirituel, mais le confort. A cette époque du désenchantement, les banques sont devenues les cathédrales nouvelles…

Léopold entame alors une brillante carrière de journaliste. A la faveur de nombreux voyages, il entre en contact avec le monde arabe et sa civilisation ; contact valant pour lui un choc, saisi qu’il est par cette impression qu’ici un retour vrai à la vie ancienne reste possible, celle des pères Patriarches, Abraham, Joseph, Jacob… Cette découverte est le début d’une conquête culturelle et spirituelle, défrichage identitaire sinon existentiel de ses racines sémites. Dans cette quête, il rencontre et traverse les diverses tendances de l’Islam - sunnisme, chiisme, soufisme – jusqu’à la conversion définitive en 1926, à 26 ans.

Etrange et sublime parcours dans lequel il faut oser voir, non pas un rejet réciproque de son milieu, de sa famille et de sa communauté, mais plutôt l’illustration de ce droit de l’homme fondamental à disposer de soi. Léopold Weiss Muhammad Assad n’aura cesse de pratiquer le petit Djihad, cette guerre sainte intérieure, toujours en lutte contre soi pour tendre au moins asymptotiquement à une certaine perfection…

De là, il se donnera corps et âme à la construction du futur Etat islamique du Pakistan, croyant fermement en cette idée que ce premier Etat islamique moderne, Cité de Dieu sur Terre, révolutionnerait la pensée politique moderne. D’où les postes de ministre et d’ambassadeur… Vers la fin de sa vie, un retour de pendule le ramène à des préoccupations plus spirituelles, à sa vie intérieure. Il donne notamment une excellente traduction du Coran en anglais, acteur à sa façon de la mondialisation culturelle.

Voici donc un ouvrage à dévorer comme exemplum. Léopold Weiss Muhammad Assad – patronyme si oxymorique aujourd’hui qu’il faut voir dans ces invraisemblables traits d’unions autant de passerelles chargées d’espoir - offre le modèle, exemplaire à plus d’un titre, d’un homme ayant toujours cultivé sa différence, entre le Soi et l’Autre, modernité et tradition…

Mened Khenouche
( Mis en ligne le 11/05/2005 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)