Essais & documents
Biographies de Lucien Aimé-Blanc
Plon 2002 / 15 €- 98.25 ffr. / 250 pages
ISBN : 2-259-19706-X
La traque
Etonnant Jacques Mesrine, dont les mânes continuent de susciter débats et polémiques plus de vingt ans après sa mort ! Il n’est à pas douter que le roi de l’évasion, metteur en scène de génie, aurait été sensible à une telle postérité !
Le livre du commissaire divisionnaire Lucien Aimé-Blanc, l’un des principaux artisans de la traque de Jacques Mesrine, revient sur les longues semaines qui ont précédé la fusillade de la Porte de Clignancourt, le 2 novembre 1979, au cours de laquelle l’ennemi public n° 1 devait finalement trouver la mort.
L’histoire dépasse cependant le simple fait divers. La figure de Mesrine est déjà à la fin des années 70 celle d’un quasi-héros, anarchiste bohême et rêveur, en lutte contre les Quartiers de Haute Sécurité (QHS) des centrales pénitentiaires, combat symbolique et à la mode contre le « tout répressif » du ministère de l’Intérieur. Son visage sera bientôt celui d’un martyr : image façonnée par quelques avocats, journalistes (Libération au premier plan) et intellectuels ; mythe facilité en outre par les circonstances troubles de sa mort.
Lucien Aimé-Blanc apporte sa version des faits du dernier acte, en porte à faux d’ailleurs avec celle du commissaire Broussard, alter ego d’Aimé Blanc à la Préfecture de Police et lui aussi auteur d’une histoire de l’affaire. Rien de révolutionnaire cependant : la mort de Mesrine, loin d’être officiellement programmée, n’apparaît finalement que comme la conséquence logique, inévitable, tragique, d’une folle cavale.
Car Mesrine, tout grand seigneur du banditisme qu’il soit, n’en reste pas moins un criminel dangereux, auteur de plusieurs enlèvements, d’évasions spectaculaires et de crimes multiples. Lucien Aimé-Blanc a le mérite de le rappeler à l’heure où l’on relit bizarrement l’affaire. Notre commissaire reconnaît pourtant sa capacité de séduction, celle qu’offre une intelligence hors pair, bien supérieure à celle du voyou parisien lambda. Il n’a d’ailleurs, face aux subtilités de Mesrine, d’autres choix que de développer des moyens de police iconoclastes, qui suscitent le regard désapprobateur mais indulgent de ses supérieurs. L’interception de Mesrine étant en effet souhaitée en plus haut lieu, l’institution policière n’est pas regardante, l’espace de quelques semaines, sur les méthodes employées !
Coups tordus, journalistes véreux, intellectuels compromis, prostituées indics, courses poursuites, le livre du commissaire Lucien Aimé-Blanc nous offre tous les ingrédients d’un excellent roman policier. Le tout avec une vraie modestie et l’apparence d’une réelle sincérité.
Alexis Vialle
( Mis en ligne le 16/10/2002 )
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