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Francis Bacon - Anatomie d'une énigme
de Michael Peppiatt
Flammarion - Grandes biographies 2004 /  26.00 €- 170.3  ffr. / 380 pages
ISBN : 2-08-068394-2

Bacon au miroir

En 1996, Michael Peppiatt signait une biographie du peintre Francis Bacon, dont il fut l’ami pendant trente ans et l’un des critiques les plus avisés… Il aura fallu attendre huit ans pour que la vie de cet artiste hors norme, incorrigible noctambule et homosexuel écorché vif, soit enfin traduite en français.

Anatomy of an enigma, tel était le sous-titre donné par Peppiatt à la version originale de son livre… Et il est vrai que son travail apparaît comme une véritable plongée dans les replis d’une conscience en crise perpétuelle. Cependant, même s’il fut de ses intimes pendant si longtemps, Peppiatt a su garder la distance critique nécessaire pour aborder un tempérament aussi difficile et extrême que celui de Bacon, sans le sensationnalisme que cela aurait pu induire.

Ainsi Peppiatt montre-t-il bien que les extravagances et les excès de Bacon obéissaient à une dynamique étroitement liée au travail forcené auquel l’artiste s’est astreint jusqu’au bout, créant pendant des phases de retraites ascétiques, dans son atelier chaotique, les séries d’œuvres qui surprendront le public, irriteront maint critique, et plus souvent encore provoqueront le scandale…

Cette biographie est donc autant un portrait de proximité qu’une analyse serrée des différentes périodes créatrices de l’artiste. On en vient rapidement à regretter que quelques œuvres ne soient pas reproduites, afin de pouvoir apprécier les pénétrantes lectures que nous en livre Peppiatt…

Sachant reconnaître ses limites dans l’interprétation – ce qui laisse aux toiles leur irréductible part de mystère – et dans l’étude des rapports de Bacon avec certains artistes – l’influence de Picasso, par exemple, qui mériterait à elle seule une monographie –, Peppiatt nous permet de déambuler aussi bien dans l’univers imaginaire des triptyques et des autoportraits que dans les recoins nocturnes et glauques de Soho où Bacon aimait à s’égarer, au sortir d’un cocktail ou d’une réunion mondaine...

Au bout des 360 pages de ce livre, la silhouette de Bacon se dessine, à la fois masochiste et perverse, triomphante et désoeuvrée, lucide et bernée. A peine entraperçue, elle fuit, bien sûr, comme les traits estompés et superbement inquiétants des personnages qui l’ont toujours hanté… Mille rencontres fortuites, autant de déménagements, quelques amours tragiquement dénouées et des amitiés indéfectibles : la vie bouillonnante, brouillonne et géniale d’un insomniaque, contraint donc à rêver éveillé et dont la devise était : «C’est en allant trop loin que l’on avance un peu.»

Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 04/08/2004 )
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