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Amicalement vôtre
de Roger Moore
L’Archipel 2008 /  22 €- 144.1  ffr. / 371 pages
ISBN : 978-2-8098-0092-0
FORMAT : 15cm x 24cm

Une vie d’acteur

Issu d’une famille modeste, Roger Moore (né en 1927) a gravi les échelons tout seul. Un parcours hors du commun pour quelqu’un de commun, semble nous dire, à travers cette autobiographie tout à fait singulière, l’acteur britannique.

Après une enfance des plus banales, le fils unique au physique avantageux décide de devenir acteur après qu’il a fréquenté assidûment le cinéma de son quartier et admiré les plus grands comédiens de l’époque. Après quelques figurations et publicités pour les magazines, il est vite repéré pour son charisme et son charme dévastateur. Son premier rôle significatif arrive en 1954 dans La Dernière fois que j’ai vu Paris de Richard Brooks avec Elizabeth Taylor et Van Johnson. Excusez du peu ! Il enchaîne les seconds rôles avant de «triompher» dans la série télévisée Ivanhoé en 1958. Forcément, les producteurs de télévision se l’arrachent et l’acteur accepte des projets comme Maverick, Le Saint (durant sept saisons, de 1962 à 1968) puis Amicalement vôtre avec Tony Curtis au début des années 70.

Sa carrière semble faite et limitée aux séries télé de plus ou moins bonne qualité, jusqu’à ce que les producteurs de James Bond lui proposent le rôle de l’agent secret britannique, délaissé par Sean Connery. A 44 ans, Roger Moore commence sa véritable carrière cinématographique en endossant le costume de James Bond à sept reprises, de 1973 à 1985. Bien évidemment, ce rôle mythique fait monter sa côte et les projets s’enchaînent avec une rapidité déconcertante : durant ces treize années, il tourne pas moins de 19 films parmi lesquels Gold (1974), Les Oies sauvages (1978) ou encore Le Commando de sa Majesté (1980). Parallèlement à sa carrière d’agent secret pour le cinéma, il tourne dans des films d’aventure ou de guerre typiques de l’époque, que tout le monde ou presque a oubliés aujourd’hui ! Il faut dire que ces films sont réservés aux seuls amateurs de l’acteur ! Entre la série B et la série Z, Moore campe des personnages d’aventuriers, de commerciaux ou encore de mercenaires aux prises avec des dictatures militaires, des conflits financiers et autres prétextes à l’aventure. L’Afrique, l’Amérique du Sud sont les principaux continents où se déroule l’action.

Curieusement, Moore n’a tourné dans aucun chef d’œuvre du septième art, si l’on oublie ses apparitions durant sa jeunesse dans deux ou trois films majeurs. De cela, il ne dit rien, ne regrettant rien. Du coup, le lecteur assiste, durant près de 400 pages, à la carrière de l’acteur, où s’accumule une série d’anecdotes souvent sympathiques. On y voit un acteur doué, enthousiaste, mais conscient de ses origines modestes, jamais colérique et tentant de faire son métier le plus simplement possible. Le succès aidant, il a connu la gloire, les femmes et l’argent, au point de séjourner dans les hôtels le plus luxueux du monde et de commettre quelques caprices de star, notamment gastronomiques, James Bond aimant plus que tout la bonne chair ! Mis à part cela, Moore le modeste ne parle que très peu de lui, s’attachant à décrire ses partenaires de scènes, les producteurs ainsi que les réalisateurs de ses films. C’est donc un panorama global du cinéma américain et européen que l’on découvre, où, curieusement et à part deux ou trois noms très connus, on s’intéresse à bon nombre de personnalités au final restées dans l’ombre ou totalement oubliées.

Que retient Moore de ces tournages ? Et bien pas grand-chose sur l’esthétique du cinéma ou encore sur telle ou telle portée d’un film mais plutôt les bêtises qu’il faisait entre deux prises, les farces à ses collègues, ses accidents lors de scènes à risques, ou encore ses maladies à répétitions, qui l’empêchèrent souvent de faire un film en bonne condition. Et qui dit tournages, dit voyages, et rencontres, notamment féminines, mais là encore Moore reste évasif ou elliptique, sans cacher tout de même son inclination pour la gent féminine ! Restent quatre mariages, des enfants, puis, après Dangereusement Vôtre en 1985, une carrière qui s’essouffle littéralement avec des navets improbables, de Jean-Claude Van Damme ou des Spice Girls ! Un exemple sidérant de la loi du marché : la carrière cinématographique de l’acteur n’a réellement existé qu’entre le premier et le dernier James Bond qu’il ait fait!

C’est ensuite son engagement auprès de l’UNICEF en tant qu’ambassadeur qui le conduira une fois de plus à voyager et à s’intéresser aux problèmes majeurs de l’enfance dans les pays en voie de développement et autres dictatures militaires. Là aussi, problème d’interprétation : il raconte visiter des camps de réfugiés, des hôpitaux appauvris ou encore des bidonvilles, pour se retrouver le soir en compagnie des présidents et des ministres des pays respectifs autour d’un bon dîner… Si l’engagement de l’acteur semble sincère, il ne dit strictement rien de négatif sur ses homologues politiques, sauf pour dénoncer une injustice généralisée.

Hormis ces précisions, voici un livre tout à fait sérieux, fourni, détaillé, complet, et souvent amusant. Moore est un rigolo, pas très loin des personnages qu’il a incarnés, et dont l’humour pince sans rire n’est jamais de trop. Un type subtil qui aime la vie et qui s’est servi de son métier à des fins toujours identiques : l’argent, tout d’abord, puis les rencontres et le plaisir de tourner. L’amitié avec des collègues puis le bonheur de se retrouver devant un bon plat entre amis. Un homme finalement simple, ce Roger Moore.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 26/11/2008 )
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