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Le Grand n'importe quoi
de Jean-Pierre Marielle
Calmann-Lévy 2010 /  17 €- 111.35  ffr. / 210 pages
ISBN : 978-2-7021-4136-6
FORMAT : 14cm x 21cm

Avec Baptiste Piégay

Marielle de A à Z

Marielle est toujours attendu. Dès que l’on aperçoit son visage à l’écran, et que l’on entend son incroyable voix, on se réjouit d’avance de ce qu’il va nous dire parce que l’on sait qu’il est grand. Grand acteur, mais aussi grand personnage, grand homme presque… Et c’est avec impatience que l’on attendait de lui un livre de souvenirs. Voilà qui est fait avec ce Grand n’importe quoi qu’il a décidé de composer comme un abécédaire. De ''Âge'' à ''Zut'', Marielle se raconte au travers des noms et des mots qui ont jalonné son existence. Un alphabet ''mariellisé'' qui part un peu dans tous les sens, mais qui s’arrête sur certaines grandes étapes de sa carrière. Acteurs, metteurs en scène, amis écrivains, mais aussi période de sa vie, cinéma, vacances, enfance, campagne, musique, peinture, Marielle tente en deux-cents pages de nous présenter son univers artistique et personnel.

Dernier grand dinosaure du cinéma français avec Rochefort, Belmondo ou Lonsdale, Jean-Pierre Marielle (né en 1932) fait partie de la mémoire collective nationale. Habitué des personnages symptomatiques des années 70-90, genre classe moyenne un peu beauf mais sympathique, cet acteur surdoué a su imposer son style. Souvent cantonné à de brillants seconds rôles (Boisset, Blier, Sautet), il n’a pas moins imposé ce style inimitable dans bons nombres de films importants (Chez Seria, Berri ou Corneau pour ne citer que trois noms qui reviennent souvent dans le livre) en jouant sur sa carrure (Marielle est assez grand), sa voix (grave et suave), et surtout sa tonalité incroyable et ce malgré un physique banal (un Monsieur tout le monde).

Et qu’apprend-on ? A la fois quelques singularités que nous ignorions de l’acteur, mais aussi ses amitiés indéfectibles pour Carmet, Belmondo, Corneau ou Salvador. L’acteur, en se confiant ainsi, brosse un portrait à la fois touchant et sincère de toute une époque, loin du côté «people» que nous connaissons aujourd’hui et qu'il stigmatise ici. Pris entre foule et solitude, succès et retrait, ville et campagne, excentricité et simplicité, Marielle impose surtout sa vision de l’existence : loin des paillettes et doté d’une exigence à toute épreuve, que ce soit sur scène, sur un plateau ou entre amis. Grand amateur d’art, bon vivant et travailleur acharné, il a su mêler filmographie de qualité et passion du métier (qui n’a pas en mémoire son rôle de Mr de Sainte Colombe dans le film de Corneau ou celui de Pierre dans Un moment d’égarement de Berri ?). C’est ce qui ressort de cette confidence hachée par les lettres de l’alphabet et la brutalité des enchaînements.

Car la seule mauvaise surprise de ce livre réside dans la forme que l’auteur a souhaitée. On en attendait bien plus de la part d’un personnage de la carrure de Marielle. Le lecteur, malgré le plaisir de savourer quelques pages en compagnie du comédien, aurait aimé en découvrir un peu plus et surtout rentrer plus profondément dans une telle carrière. Victime de sa forme quelque peu contraignante, le livre n’ouvre pas les champs attendus. Et malgré quelques bons traits d’esprit, ou la présence de personnages cruciaux du XXe siècle (Camus, Céline, Beckett, Bergman, Echenoz, Jouvet, Calet, etc.), Marielle publie un livre d’acteur, tout simplement. Pas du n’importe quoi, mais certainement quelque chose d’inachevé et d’un peu vain parfois.

Henri-Georges Maignan
( Mis en ligne le 03/11/2010 )
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