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Lynchland #1
de Roland Kermarec
Objectif Cinéma 2004 /  15 €- 98.25  ffr. / 96 pages
ISBN : 2-915713-00-6
FORMAT : 14,5 x 21 cm

The Cowboy and the Frenchman

Le parcours de Roland Kermarec est assez insolite et singulier pour qu’il mérite d’être rapidement résumé ici. Après deux mémoires universitaires consacrés à l’œuvre de David Lynch, Kermarec tente d’obtenir, via la société de production Ciby 2000, une interview avec le metteur en scène. Un entretien avec Lynch ne pouvant que faire bonne impression en annexe d’une thèse future… La première surprise arrive lorsque le jeune étudiant apprend que le réalisateur a lu et apprécié son travail de recherche. La deuxième énorme nouvelle c’est que Lynch, d’habitude si secret, invite Kermarec à suivre le tournage de son prochain film.

Fin 1995, voilà donc un étudiant en Lettres Modernes quittant Brest pour aller vivre cent jours à Los Angeles, hébergé par l’auteur d’Elephant Man et de Twin Peaks. Le tournage en question c’est celui de Lost Highway, cauchemar halluciné, l’épisode ultime de The Twilight Zone, dont une partie se déroule dans les appartements mêmes de Lynch. Kermarec, observateur privilégié va remplir des carnets entiers de notes, d’impressions du moment, et d’entretiens avec les techniciens, les acteurs etc. Avec un caméscope («du moment qu’il est silencieux», prévient Lynch), il va tourner près de quinze heures d’images (toujours inédites à l’heure actuelle).

De retour en France, Roland Kermarec s’attelle à la tâche et commence à rassembler ses notes pour écrire ce qui compose aujourd’hui une partie de ce Lynchland #1. Un récit de ce séjour américain sous forme d’une longue interview de l’auteur sert d’idéale introduction à cette première compilation d’articles. Kermarec présente son travail comme «un journal intime lynchien». Le parti pris assumé c’est de parler de tout ce qui compose l’œuvre de Lynch, et non pas seulement des films. Tout ce qui gravite autour de l’actualité de Lynch est ainsi susceptible d’être retenu. C’est que le réalisateur est un grand créateur de formes artistiques et un formidable touche-à-tout : peinture, sculpture, bande dessinée, musique… Lynchland défriche ces territoires encore peu explorés et donne ainsi une vue d’ensemble du travail de l’artiste. Même si le lecteur peut piocher ici ou là des pistes de recherche toujours pertinentes, Lynchland n’est pas un livre d’analyses. Fourmillant d’anecdotes, c’est avant tout l’ouvrage sincère d’un grand connaisseur de l’œuvre de Lynch. Passionnants sont ainsi ces souvenirs du tournage où Kermarec raconte par exemple comment il a vu le cinéaste faire peu à peu évoluer une scène au cours d’une séance.

Dans ce premier numéro d’une série qu’on espère longue et aussi riche, on retiendra plus particulièrement un article fleuve sur la genèse tourmentée de Mulholland Drive, d’abord conçu pour être un feuilleton télévisé pour la chaîne ABC. On trouvera aussi un curieux (mais finalement évident) parallèle entre Lynch et John Waters (papa de Cry Baby et du cultissime Polyester), et enfin la mise en lumière d’une œuvre méconnue, mais qui a fait scandale aux USA : l’étonnante sculpture d’une vache décapitée et ensanglantée.

Enthousiasmantes du début à la fin, on attend la suite de ces pérégrinations au pays de Lynch (quelque part au-delà de la yellow brick road) avec grand intérêt.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 28/06/2004 )
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