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Abus sexuel sur mineur - Combattre l’intolérance, rendre à la vi
de Victor Simon
Armand Colin 2004 /  21.00 €- 137.55  ffr. / 204 pages
ISBN : 2-200-26516-6
FORMAT : 15 x 23 cm

Antoine Bioy est psychologue et enseignant en psychologie.

Un ouvrage complet et didactique

Victor Simon est médecin gastro-entérologue de formation, et psychothérapeute. Bien connu des hypnothérapeutes pour sa pratique de l’hypnose ericksonnienne, l’auteur signe ici un livre autour d’un thème dont il possède une véritable expertise, les abus sexuels. Après avoir prôné une vigilance à entretenir autour de cette question, Victor Simon répertorie les signes cliniques pouvant évoquer une situation d’abus passée ou actuelle. Cela lui permet dans un troisième temps d’aborder la question des prises en charge possibles, et de la difficile question de la restauration psychique des patients concernés.

Loin de tout pathos qui serait malvenu, Abus sexuel sur mineur expose avec une lucidité documentée l’état des lieux en la matière, et propose une lecture quasi linéaire du repérage des premiers signes émotionnels et comportementaux jusqu’à l’accompagnement vers le chemin de la reconstruction. La question de la réelle efficacité des méthodes exposées est fort heureusement éludée, tant on parle d’une dynamique intime et personnelle qui échappe à toute systématisation et évaluation. Bien sûr, Victor Simon ne cache pas sa préférence pour la méthode hypnotique, néanmoins le bon sens des propos et les voies à explorer pour aider la personne abusée (l’affirmation de soi, la «défense du territoire», «apprendre la différence», resituer la culpabilité…) sont suffisamment pertinentes pour ne pas s’enfermer dans une seule technique de prise en charge à privilégier à la défaveur d’une autre. L’un des points forts de cet ouvrage est de ne pas enfermer l’accompagnement au seul cabinet du thérapeute, mais propose de tenir compte également de la voie judiciaire. La question du dévoilement de l’abus est abordée, ainsi que celle du signalement, mais également l’accompagnement du patient lors de son parcours «civil et pénal» (la relation à l’entourage concerné directement ou non par l’abus, la confrontation à l’agresseur…).

L’expérience du Dr Simon, qui alimente sous forme de vignettes cliniques les propos théoriques et pratiques, lui permet assez tôt dans son ouvrage de mettre en garde contre la tendance à penser que toute évocation d’un possible abus par un patient serait avérée. En cela, il rejoint les propos de penseurs avant lui, depuis Freud. Le caractère parfois très réel de la vie fantasmatique d’une personne est à prendre en compte, et demande une expertise de la part du thérapeute. Il est bien sûr très difficile, voire impossible, de donner des «signes objectifs» pour reconnaître un abus réel, d’autant que comme l’auteur le rappelle, aucun signe n’est pathognomonique. Mais on aurait sans doute aimé que Victor Simon nous fasse profiter de son expérience en la matière et aborde plus avant cette question de l’abus fantasmé. Car l’ensemble des exemples cliniques expose des cas d’abus avérés, et il en résulte que la sage mise en garde de l’auteur autour de la dualité entre fantasme et réalité perd de sa force au fil de l’ouvrage. On reste de même assez circonspect devant la définition du «syndrome post-abus sexuel» (SPAS) que tente de mettre en place l’auteur afin de différencier le tableau clinique présenté par les patients abusés du tableau clinique définissant le «» (PTSD). L’idée est bien sûr pertinente, mais faute de signes cliniques stables, le SPAS demande à être défini avec une plus grande précision, nombre des critères présentés étant mouvants ou trop peu spécifiques pour être retenus tels quels (troubles de l’estime de soi et de culpabilité, ambiance de souffrance récurrente en consultation…).

Il reste que Abus sexuel sur mineur est un excellent ouvrage s’adressant aux thérapeutes de tout bord, mais aussi aux professionnels en lien avec l’enfance et l’adolescence. Si son écriture fluide rend l’ouvrage accessible au grand public, il ne s’agit pas forcément de la cible à privilégier, car il serait simple pour un public non professionnel de voir dans tout symptôme le signe d’un possible abus sexuel. L’auteur l’explique très bien pour les professionnels : un pouvoir de suggestion peut s’exercer si l’on s’attache trop à cette question de l’abus, jusqu’à susciter chez les patients faux souvenirs et allégations malencontreuses. Il faut privilégier une attention éclairée et une sensibilité à cette question de l’abus, mais focaliser sur cette question ne pourrait être que préjudiciable pour tous.


Antoine Bioy
( Mis en ligne le 16/06/2004 )
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