L'actualité du livre
Documentaireset Historique  


Reprise
de Hervé Le Roux
Editions Montparnasse - Regards 2004 /  3.82 € - 25 ffr.
Durée film 195 mn.
Classification : Tous publics
Date de réalisation : 1996
Produit par : Les films d’ici avec le concours du CNC et du Ministère du Travail et des Affaires Sociales

Version : 1 DVD Zone 2/PAL
Format image : 4/3
Format audio : Français (2.0 Mono)

Bonus :
La reprise du travail aux usines Wonder, 1968, plan séquence de neuf minutes




Le 10 juin 1968, dans le cadre de travaux pratique de l’IDHEC, une équipe d’étudiants en cinéma se rend à la sortie des usines Wonder à Saint-Ouen. C’est le jour de la reprise du travail, votée après trois semaines de grève. Il y a un attroupement devant l’usine, des ouvriers, des militants discutent avec les responsables syndicaux, l’atmosphère est tendue… et, au milieu de la foule, une jeune fille est là, qui pleure, qui crie, qui dit qu’elle ne rentrera pas, qui dit que non, elle ne mettra plus les pieds dans cette taule dégueulasse… Ce petit film (un plan séquence de dix minutes) est depuis devenu un « classique » du documentaire militant des années soixante dix sous le nom de « la reprise du travail aux usines Wonder ». « C’est la scène primitive du cinéma militant, « la sortie des usines Lumière » à l’envers » écriront à son propos Serge Daney et Serge Le Peron en mai 1981 dans un article des Cahiers du cinéma.

C’est en compulsant ce numéro des Cahiers qu’Hervé Le Roux, tombe en arrêt devant un photogramme tiré du film. Emu par le visage de la jeune fille révoltée, il décide de se lancer à sa recherche pour lui donner à nouveau la parole, 30 ans après.

Il entreprend d’abord de retrouver les autres protagonistes du film originel en espérant arriver jusqu'à la jeune fille. On suit son enquête de près, et le film se construit peu à peu, sous nos yeux, au fil des rencontres. On s’attarde longuement sur les témoignages de chacun d’eux. C’est la parole qui prime, les mots qui, guidés par les différentes personnalités, expriment à leur manière leur regard sur les événements. De ces mémoires émerge l’Histoire du pays en 68, l’Histoire des luttes ouvrières. Et puis, petit à petit, derrière la grande Histoire, se dévoile l’autre histoire, la personnelle, celle qui se construit pour chacun, dans ces petites choses qui font le quotidien.

En parallèle, c’est aussi le cheminement des images dans le temps et dans les regards que le réalisateur interroge. Hervé Le Roux ne manque pas, en effet, de montrer le petit court métrage des étudiants de l’Idhec à chacune des personnes qu’il interviewe et l’on peut lire sur leurs visages les émotions que celui-ci provoque 30 ans après. Un film dans le film, sous le regard de ses protagonistes eux-mêmes : l’expérience est troublante. La caméra devient le témoin du choc entre deux époques, par l’intermédiaire du cinéma.

Pourtant, Reprise ne cherche pas à enfermer le petit film d’archive dans un regard contemporain étriqué. Il utilise au contraire le recul du temps pour redonner à ces images leur place dans l’Histoire, enrichie d’une dimension humaine et affective. Ainsi, des fragments du film source sont intercalés entre les différents témoignages et, au fur et à mesure que l’on avance dans le film, notre perspective de spectateur évolue. Quand, à la fin du film de Hervé Le Roux, on visionne à nouveau la séquence de 1968 figurant en intégralité sur le DVD, celle-ci nous apparaît enrichie d’une profondeur nouvelle. On reconnaît les visages, on sait leur passé, leur ressenti, leur histoire, et plus que des protagonistes anonymes, ils sont devenus les personnages d’une mémoire ouvrière réactivée. La jeune fille, on ne la retrouvera pas. Mais c’est autre chose que ce film a révélé.


Cécile Martinaud
( Mis en ligne le 29/03/2004 )
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