L'actualité du livre
Documentaireset Historique  


Norman Mailer, Histoires d'Amérique
de Jean-Pierre Catherine
Editions Montparnasse - Regards 2004 /  3.82 € - 25 ffr.
Durée film 110 mn.
Classification : Tous publics
Version : Zone 2/PAL
Format vidéo : couleur, 1.33
Format image : 16/9 compatible 4/3
Format audio : Français (Mono)

Bonus :
Biographie, bibliographie et filmographie de Norman Mailer



Il ne faut pas trop de trois documentaires pour retracer la vie ô combien mouvementée de Norman Mailer. Cette vie suit et, parfois on a l'impression qu'elle précède l'histoire des Etats-Unis de ces 50 dernières années. Mailer est présent sur tous les fronts, de tous les combats. Il est à la fois à l'extérieur et à l'intérieur, il participe et il témoigne. La relation qui l'unit à l'Amérique est une véritable liaison amoureuse, maritale. "I love this country, I hate it !" (J'aime ce pays, je le hais !) répète-t-il en introduction de chacun des trois films. Une relation faite d'ambition, d'aspirations mais aussi de beaucoup de désillusions, comme un être rêvé qui s'avoue bien terne à l'usage et bien loin de ce que l'on avait imaginé. Et qui implique une perpétuelle remise en cause : "Comment être un bon américain ?" malgré tout.

Mailer, c'est d'abord l'écrivain froid et distancié qui trouve un terrain d'observation idéal alors qu'il participe aux combats aux Philippines pendant la seconde guerre mondiale. De cette expérience naîtra Les nus et les morts (1) premier ouvrage, premier succès en 1947. La vérité et la crudité de la guerre s'étalent sans fard.
Après ce premier livre qui le porte au pinacle, la critique s'acharne et détruit son second livre. Mailer tire de cette expérience un constat : pour réussir aux Etats-Unis, il faut être loyal et médiocre : une forme allégée du Soviétisme. La pire forme de médiocrité trouve à ses yeux son expression dans le plastique. Quand on le touche, il n'y a aucune sensation contrairement au bois, au verre ou aux métaux. Le plastique, c'est l'excrément du pétrole. S'il y a beaucoup de violence aux Etats-Unis, c'est parce qu'il s'agit d'un pays plastique. Si ces explications semblent un peu courtes, elles ont le mérite de faire réfléchir.
Pour canaliser sa propre violence, Mailer fréquente les clubs de boxe. L'efficacité est relative puisqu'il participe à de nombreuses bagarres. Il prend des risques, ce qui est une façon pour lui de sortir de la médiocrité.

Cette violence extrême s'accorde finalement assez bien avec le côté romantique du personnage, admirateur des Kennedy au point d'avoir voulu devenir conseiller de JFK ou rêvant secrètement du monde de la CIA. Plus que d'être anecdotique, cela illustre aussi une réalité américaine qui veut que le président soit une sorte de roi auquel on veut s'identifier. Mailer, qui n'est pas dupe, tombe pourtant sous le charme.

Cette analyse est particulièrement éclairante en cette année d'élections américaines. Il en va de même pour bon nombre des thèmes et des thèses développés par Mailer : ils trouvent très souvent un écho d'une actualité surprenante : les critiques faites sur la politique étrangère des Etats-Unis ou sur son arrogance par exemple.

La fascination de Norman Mailer pour l'Amérique avec son attraction-répulsion ressemble beaucoup à ce que peuvent ressentir des Européens et particulièrement les Français face à ce pays. La vision romantique et idéalisée de l'Amérique est aussi la nôtre. Tous les thèmes développés par Mailer dans ces écrits nous sont familiers même si les détails de l'histoire américaine ne le sont pas toujours. Ils sont familiers mais on a du mal à en avoir une vision élaborée : pêle-mêle le puritanisme américain, le lutte des Noirs, le Vietnam, la peine de mort ou l'assassinat de Kennedy. Cet assassinat marque un tournant dans l'histoire américaine : idée que tout, et surtout le pire, est possible. Le pire pour Mailer serait la marche vers le fascisme des Etats-Unis.

Malheureusement, Mailer l'inqualifiable tour à tour auteur, journaliste, cinéaste, acteur, commentateur sportif, activiste politique manque de contradicteurs pour éviter l'écueil de type panégyrique. Mais il faut bien le reconnaître, Mailer est fascinant. Le documentaire est organisé sous forme de conversations avec l'auteur sur son œuvre et sur l'histoire américaine immédiate qui l'a inspiré. Les images et sujets d'époque viennent apporter du relief et une certaine crédibilité à son témoignage.
En revanche, allez donc m'expliquer pourquoi une partie des images d'époque est affublée d'une version française de la bande son qui vient se surimposer à la version originale qu'on entend en sourdine. Insupportable et inutile. Vive les sous-titres !
On militera tout de même pour que ces conversations terminées en 1998 reprennent pour passer au crible les six dernières années de l'histoire américaine. Pour répondre à la question Pourquoi sommes-nous en guerre ? (2) titre du livre de Mailer paru en 2003.



(1) Chez Albin Michel
(2) Chez Denoël

Judicaël Tracoulat
( Mis en ligne le 06/04/2004 )
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