L'actualité du livre
Filmset Drame  

William Shakespeare's Romeo + Juliet
Roméo + Juliette
de Baz Luhrmann
avec Claire Danes, Leonardo Di Caprio, John Leguizamo, Pete Postlewaithe, Paul Sorvino, Diane Venora, Brian Dennehy, Christina Pickles, Harold Perrineau, Miriam Margolyes, Vondie Curtis-Hall
Fox Pathé Europa 2002 / 
Durée DVD 190 mn.
Durée film 120 mn.
Classification : Tous publics
Format image : 2.35 d'origine respecté. Ecran 16/9e compatible 4/3
Format son : Dolby Digital 5.1

Bonus :
* Commentaire audio du réalisateur, de la directrice artistique, du co-scénariste, ert du directeur de la photographie.
* Galerie du réalisateur : Présentation du film à la presse par Baz Luhrmann, extrait d'un "preview" tourné en vidéo pour convaincre les producteurs et 3 making of
* Galerie du directeur de la photographie : explications du tournage de 6 scènes
* Galerie d'accessoires : passe en revue toutes les créations plastiques autour du film (les livres, les armes, les voitures, la mode de Verona Beach, les marques de Verona Beach et la conception artistique)
* Galerie d'interviews : extraits d'interviews de Leonardo DiCaprio, Claire Danes, John Leguizamo, ainsi que du co-scénariste, de la monteuse, du chorégraphe, et de la créatrice des costumes.
* 2 clips musicaux : "Kissing You" (Des'ree) et "Young Hearts" (Kym Mazelle)
* Marketing : pubs TV, bande annonce et affiches


Des quelque 500 adaptations cinématographiques de l'oeuvre du Barde de Stratford-on-Avon, rares sont celles à avoir tenté un pari auquel sont davantage accoutumées les mises en scènes de théâtre et d'opéra (cf. Peter Sellars) : celui de la transposition moderne, non pas de la langue mais du cadre de l'action. Kenneth Brannagh avait adapté Peines d'amour perdues sous forme de de comédie musicale des années 40, Richard Loncraine avait plongé Richard III dans le Londres fasciste des années 1930 quand Al Pacino en faisait un work in progress intégré à ses déambulations dans les rues de New York. En dehors de ces tentatives hybrides, on en restait aux interprétations en costumes, aux épures intemporelles (le Hamlet de Brannagh) ou aux adaptations libres (le West Side Story de Wise et Bernstein). Baz Luhrmann a donc pris, comme il l'explique dans son hilarante présentation du film à la presse, tous les risques en proposant à ses producteurs un Roméo et Juliette en langue originale campé à non plus à Vérone, Italie, pendant la Renaissance mais à Verona Beach, Miami, à la fin du XXe siècle.

Dans les commentaires audio, le réalisateur et ses acolytes expliquent que leur intention première était de donner à l'obscur anglais élizabethain un équivalent visuel immédiatement intelligible ("Draw your sword" - tire ton épée - amène un gros plan sur la marque des pistolets : "Sword" ; le "Prince" de la pièce devient le Capitaine Prince, chef du Verona Beach Police Departement ; la Reine Mab qui se glisse dans les rêves devient une drogue hallucinogène). D'où l'extrême importance dans le film des décors et de l'habillage urbain - affiches, publicités, journaux, enseignes, accessoires - qui renvoient constamment au texte de la pièce et contribuent à abolir toute frontière entre le siècle de Shakespeare et notre époque. L'effet de réel est immédiat et, ô surprise, l'effet de naturel aussi : les paramètres spatio-temporels de l'histoire sont assumés dès le prologue, traité sous la forme d'un reportage au JT ; le rythme et la poésie de la langue de Shakespeare se coulent à la perfection dans le phrasé des acteurs. Il ne reste plus au spectacteur qu'à se laisser porter par l'enthousiasmante prestation du duo DiCaprio-Danes (et leurs partenaires sont du même niveau, de la nourrice de Juliette à l'androgyne Tybalt en passant par frère Laurent ou un Mercutio relooké drag queen) et par l'invention visuelle inépuisable de Luhrmann : le ballet amoureux dans la piscine, la fête chez les Capulet, la fusillade dans la station-service, la mort des amants sont de grands moments de virtuosité, de poésie et d'audace. Le tout étant finalement d'une parfaite cohérence : hétérogène par essence, mêlant le grotesque au sublime, le théâtre élizabethain supporte toutes les outrances imaginées par le cinéaste. On ne s'étonnera donc pas que l'une des plus émouvantes scènes du film, la rencontre de Roméo et Juliette, se déroule dans les toilettes de la maison Montagut ou que la bande originale, très pointue, associe voluptueuses ponctuations symphoniques (signées Craig Armstrong) et violentes pulsations punk-hardcore...

Un pur chef-d'oeuvre, le mot n'est pas trop fort, qui bénéficie d'une présentation superlative : menus léchés offrant près d'une heure de bonus, tous plus intéressants les uns que les autres (les interviews sont toutefois un peu courtes), avec une mention spéciale à la vidéo tournée par Luhrmann pour présenter son projet aux producteurs. DiCaprio y montre, en quelques minutes, qu'il est de l'étoffe d'un James Dean. Il suffit de voir son regard, au moment où Juliette sort de son sommeil mortel, pour s'en convaincre.

Pierre Brévignon
( Mis en ligne le 07/06/2002 )
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