L'actualité du livre
Filmset Drame  


L'Immersion d'un salaryman en eaux mitigées
de Shohei Imamura
avec Misa Shimizu, Koji Yahusho
Editions Montparnasse 2004 /  3.82 € - 25 ffr.
Durée film 115 mn.
Classification : Tous publics
Sortie Cinéma : 2001, Japon
Titre original : Akai hashi no shita no nurui mizu

Version : Zone 2/PAL
Format vidéo : 1.85
Format image : 16/9 compatible 4/3
Format audio : Japonais (Stéréo)
Sous-titre : Français

Bonus :
Chapitrage
Bande-annonce



Le titre énigmatique et métaphorique du dernier film en date réalisé par le cinéaste japonais, Shohei Imamura, sonne comme les premiers vers d’un haïku dont la présence d’un pont rouge symbolise le passage d’une vie vers une autre.

Un homme désabusé, Yosuke, quadragénaire en instance de divorce et venant d’être licencié, va le traverser pour partir à la recherche d’un hypothétique trésor dont la cache lui a été indiquée par son ami Taro, un clochard philosophe qui vient de décéder. Il quitte donc Tôkyô, ville désincarnée et déshumanisée où un inactif n’a plus sa place, pour se rendre dans un petit village de pêcheurs de la péninsule de Noto, sur la côte ouest de l’île d’Honshû. La quête d’un bien mercantile va rapidement se transformer pour lui en une découverte de soi, du désir et de l’amour grâce à Saeko, l’habitante de la maison de l’autre côté du pont, dont la particularité consiste à laisser échapper des trombes d’eau lors de chaque orgasme.

Derrière cette joyeuse ode à la liberté, montrant la prise de conscience d’un salaryman tokyoïte du vide de son existence, se dissimule en fait une sévère critique de la société japonaise et, à l’instar de beaucoup de ses autres films, le réalisateur se livre à une description de la pression sociale et sexuelle exercées par celle-ci. Au début de sa carrière, le cinéaste l’avait fait de façon plus réaliste avec une rigueur quasi journalistique, l’exemple le plus flagrant restant Evaporation d’un homme de 1967, pour se tourner progressivement vers un cinéma plus allégorique depuis La ballade de Narayama, Palme d’or en 1983. A travers les propos du vieux clochard hédoniste, figure médium du cinéaste, Shohei Imamura distille ses conseils sur la vie et donne sa vision du monde en pointant de façon malicieuse les dérèglements et les carcans qui oppressent le Japon moderne. Il livre également sa propre définition du bonheur lorsque Taro, apparaissant à Yosuke sous une forme spectrale, lui suggère de vivre en accord avec ses désirs en devenant aussi déraisonnable que le phénomène qui frappe Saeko.

La symbolique de l’eau, découlant du shintoïsme né d'un syncrétisme religieux alliant bouddhisme et animisme, jalonne le film comme image de sexualité, de fécondité et de vie. Les sécrétions de Saeko peuvent s’assimiler au liquide séminal, qui féconde la terre aride de l’homme, ou amniotique, avec la perte des eaux au moment de la jouissance, d’ailleurs Yosuke rêve qu’il retourne à l’état foetal après sa première rencontre avec elle. L’eau présente aussi une ambivalence car elle est garante de vie mais aussi cause de malheur. Saeko a subi un profond traumatisme lorsqu’elle était enfant car elle a vu se noyer sa mère durant une incantation au dieu Konsei, la divinité shinto protectrice des femmes en couches. Le réalisateur avait déjà exploité la présence emblématique de l’eau et des poissons dans plusieurs de ses films et notamment en 1997 avec L’anguille, dont l’histoire contait la résistance de deux êtres blessés réapprenant ensemble à vivre et dont les rôles principaux étaient interprétés par les mêmes comédiens, Koji Yakusho, l’acteur fétiche de Kiyoshi Kurosawa, et Misa Shimizu.

De L’eau tiède sous un pont rouge est une fable rafraîchissante, remplie d’humour et de fantaisie accompagnée par une musique enjouée et composée de décalages imperceptibles. Elle est aussi peuplée de personnages atypiques et truculents vivant des situations incongrues mêlant un marathonien africain affamé et encouragé par les invectives de son entraîneur le suivant en vélo, trois vieux pêcheurs qui commentent stoïquement les événements, une vieille dame qui écrit imperturbable des poèmes divinatoires, un jeune pêcheur très énervé qui sillonne le village en scooter et dans cet inventaire à la Prévert c’est un perroquet qui fait office de raton laveur.

Il est cependant à regretter que le DVD n’offre aucun bonus, hormis la traditionnelle bande annonce du film, car une interview du très irrévérencieux et vénérable vieillard, qu’est désormais Shohei Imamura, aurait été d’un intérêt indéniable.


Corinne Garnier
( Mis en ligne le 28/04/2004 )
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