L'actualité du livre
Filmset Policiers / Thrillers  


Gros casting pour film mineur
de Guillaume Nicloux
avec Guillaume Canet, Marie  Gillain, Thierry Lhermitte, Josiane Balasko, Vanessa Paradis, Jean Rochefort
M6 Video 2008 /  3.05 € - 19.99 ffr.
Durée DVD 150 mn.
Durée film 115 mn.
Classification : - 8 ans
Sortie Cinéma, Pays : France, 2007
Sortie DVD : 9 juillet 2008

Version : DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL, format 2.35
Format image : Couleurs, 16/9 compatible 4/3
Format audio : Français, Dolby Digital 2.0 et 5.1
Sous-titres : Anglais


Bonus :
- Commentaire audio de Guillaume Nicloux
- Making-of
- 10 scènes coupées
- Bandes-annonces

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence


Guillaume Nicloux a d’abord été un auteur de romans noirs avant de passer, toujours dans le même genre, à la réalisation. En 1998, et après quelques longs métrages, il adapte son propre roman, Le Poulpe, avec plus ou moins de réussite. En 2002, il renouvelle le genre avec l’excellent Une affaire privée, offrant du même coup un grand rôle à Thierry Lhermitte qui reprendra par trois fois le personnage du flic paumé Manéri. En 2003, Cette femme-là, avec Josiane Balasko, bascule dans le polar glauque. En 2006, il s’égare totalement avec Le Concile de Pierre.

Avec La Clef, le réalisateur tente de concilier l’enquête policière de Une affaire privée avec l’univers souterrain et violent de Cette femme-là. Pour un peu, il y parvenait. Malheureusement, ça coince pour diverses raisons : un scénario volontairement compliqué, une surenchère dans le morbide, un suspens téléguidé par des bouleversements permanents et une incohérence qui touche parfois au ridicule.

Comme souvent dans ce style de polar urbain, le scénario doit présenter un cadre, des personnages établis et un bouleversement qui entraîne chacun d’eux dans des contrées obscures et inédites, jusqu’au dénouement, la plupart du temps imprévisible, mais flirtant tout de même avec le happy end. Nicloux fait intervenir trois histoires.

Eric Vincent (Guillaume Canet, crédible) coule une vie tranquille avec sa femme (Marie Gilain), une maison, du travail et un enfant à venir, jusqu’à ce qu’un drôle d’individu, Joseph Arp (Jean Rochefort) lui demande de venir chercher les cendres de son père qu’il n’a jamais connu. Mais l’urne intéresse de méchants malfrats et Eric va être la victime involontaire d’une sorte de machination dans laquelle il va s’impliquer pleinement, mettant en péril sa santé mentale, sa famille et sa vie. Parallèlement, Manéri (Thierry Lhermitte), souffrant d’une tumeur au cerveau, recherche sa fille (Vanessa Paradis) pour une éventuelle greffe, alors que celle-ci est impliquée dans l’histoire de l’urne funéraire. Enfin, Michèle Varin (Josianne Balasko) enquête 30 ans plus tôt sur la mort d’un type assassiné sauvagement au chalumeau, qui aurait un lien avec le drame que vit Eric, notamment avec l’énigmatique Arp. Le scénario avançant, les trois enquêtes se recoupent à coup de scènes brutales, angoissantes et glauques jusqu’à ce que le spectateur découvre enfin le nœud de l’histoire.

Alors que Nicloux privilégiait de façon subtile l’aspect psychologique et l’enquête policière dans Une affaire privée, il opte ici pour un thriller funèbre, un peu à l’image du film de Canet Ne le dis à personne, avec sa dose de scènes chocs, d’endroits déserts, de malfrats aux cicatrices voyantes, de kidnappings violents et d’histoires glauques traversant les années pour imploser au final. Les méchants n’inspirent aucune confiance et sont déshumanisés alors que les gentils, eux, ont un QI inférieur à la moyenne. Eric, notamment, qui cache tout à sa femme et qui, tel un inspecteur Harry sur la fin, s’introduit seul dans les salons des durs à cuir situés dans des endroits déserts ou isolées en pleine cambrousse.

Si la première heure est plaisante, notamment grâce au montage efficace mettant en miroir les deux époques, passées et présentes, ou encore aux dialogues savoureux de Manéri, ex-détective à la dérive, désabusé et finalement très humain, le film bascule ensuite du côté du cliché en accumulant les scènes de violence classiques (qui font d’ailleurs penser à Cette femme-là), les meurtres horribles (femme éventrée ou encore individu poignardé en pleine gorge), des dialogues indigents (notamment entre Canet et Paradis alors que cette dernière a reçu une balle dans le dos), des moments incohérents et un dénouement prévisible avec son cortège d’exécutions inéluctables.

Reste que Nicloux a peut-être une patte. Côté cinéma, il crée deux ou trois personnages loufoques (comme le comparse de Manéri, l’improbable Pujol, interprété par Yves Verhoeven) et côté littérature, il sait rompre en peu de mots l’aspect grave du propos par des dialogues courts, décalés et savoureux. Exemple dans une scène où le chef des malfrats présente à Eric, alors séquestré et sous le choc, une tranche de saucisson en lui disant : «Assieds-toi, tu veux du saucisson, t’as tord il est bon ! C’est du saucisson d’âne, il faut manger, surtout après une bonne décharge.» et Canet de répondre : «Je ne suis pas très charcuterie.» Ou encore Manéri, apprenant qu’il a une tumeur au cerveau, dit à son docteur : «Juste au moment où ça commençait d’aller mieux avec ma hanche.»

Nicloux ne se renouvelle finalement pas dans ce thriller noir et violent, ratant du même coup le traitement du couple que Canet forme avec Gilain dans un rôle de femme nunuche et hystérique qui ne pense qu’à faire un gosse alors que son gentil mari vit un enfer qu’elle n’ose explorer en refusant de lui poser des questions, sommes toutes légitimes en pareil cas. Il rate aussi son sujet en n’explorant que partiellement le fait que Canet soit attiré par Paradis, si ce n’est qu’il veut échapper au rôle de père que lui préfère sa femme. Bref, malgré ce que les acteurs disent de Nicloux dans le Making of, encensant le réalisateur, il ne propose en fait qu’un film de plus pour vibrer et se faire peur le samedi soir, en témoignant d'une certaine obsession pour l’univers glauque, à notre sens, un peu gratuit.

Pourquoi avoir délaissé ce qui faisait le charme du Poulpe et de Une affaire privée, qui justement traitaient avec distance et ironie un cadre pourtant similaire ? Réponse avec le prochain casting de stars !

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 11/07/2008 )
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