L'actualité du livre
Filmset Policiers / Thrillers  


Gloomy Sunday
de Abel Ferrara
avec Christopher Walken, Benicio Del Toro, Vincent Gallo, Isabella Rossellini
Aventi Distribution 2012 /  2.29 € - 14,99 ffr.
Durée film 95 mn.
Classification : - 12 ans
Sortie Cinéma, Pays : États-Unis, 1996
Sortie DVD : Avril 2012
Titre original : The Funeral

Version : 1 DVD-9, zone 2
Format vidéo : PAL, Format 1.85
Format image : Couleurs, 16/9 compatible 4/3
Format audio : Anglais, Français Dolby Digital 2.0
Sous-titres : Français


Bonus : Aucun


Troisième et avant dernière collaboration de Christopher Walken (né en 1943) avec Abel Ferrara (né en 1951), Nos funérailles n’en est pas moins la plus aboutie. Cinéaste inégal et quelque peu «destroy», Ferrara a néanmoins réalisé quelques grands films, à la limite du chef d’œuvre (Nos funérailles étant celui qui s’en approche le plus, combinant la grandeur esthétique avec une certaine idée du polar américain) comme The King of New-York (1990), qui relança la carrière de Walken, Bad Lieutenant (1991), film donnant à Harvey Keitel un rôle à sa mesure, ou New Rose Hotel (1998), avec Willem Dafoe et l’inégalable Walken encore. Depuis une quinzaine d’années, on attend le grand retour de Ferrara qui semble moins inspiré. Rappelons enfin que Nos funérailles, sorti sur les écrans il y a plus de 15 ans, n’avait jamais été édité en DVD en France. L’attente fut longue et le plaisir est réel à la vue de ce film unique et parfaitement maîtrisé.

Les Tempio sont une famille de mafieux vivant dans le New-York des années 30. Ray (Christopher Walken) en est le patriarche froid et désabusé, Chez (Christopher Penn, dans une interprétation inoubliable), une sorte de détraqué mental néanmoins fragile, et Johnny (Vincent Gallo), un jeune intellectuel, communiste et beau gosse. Si les deux frères héritent de la tradition meurtrière paternelle inculquée lorsqu’ils étaient enfants (œil pour œil, dent pour dent), le benjamin est un libertaire amoral, jetant un froid parmi ses frères, à la fois hommes d’affaire et malfrats. Sa mort brutale et mystérieuse va à la fois réunir, déchirer et séparer la famille Tempio.

On aurait pu titrer de bien des façons cet article (Gloomy Sunday de Billie Holiday accompagnant le convoi mortuaire du jeune Johnny à l’intérieur de la maison familiale) tant les thèmes sont multiples ici - ''La fratrie déchirée'', ''Au nom du père'', ''Règlement de comptes à l’italienne'', ''La loi du Talion'', ''L’Impossible rédemption'', ''Vengeance aveugle'', etc. - et tant l’idée du bien et du mal (obsession du scénariste, Nicholas St. John, grand complice du cinéaste depuis 1979) est déclinée sous toutes ses formes. Héritage du père malfrat, vengeance au nom du bien, meurtres puis suicide rédempteurs, les protagonistes sont emportés dans un destin d'abord familial, tragiquement funéraire ensuite. Les trois frères se comportent comme des enfants attardés quand leurs femmes respectives, non seulement les recueillent en leur sein, mais essaient de les guider vers la loi, la foi, et la voie du salut. En vain, l’homme est corrompu (s’adonnant à la prostitution et au meurtre) et tend du côté de la mort quand les femmes sont du côté du bien et de la vie (et la bêtise, aussi, de d’attacher à de tels brigands). Rien de manichéen ou de simpliste à la vue de ce polar car ces personnages (Isabella Rossellini en tête) sont d’une richesse et d’une intensité rares dans le cinéma américain.

Ferrara est le Racine du cinéma indépendant américain, pourrait-on dire, car dans Nos funérailles comme dans d’autres films, il filme un cauchemar avec une sobriété et une maîtrise plastique totales. Esthétiquement, le film est très beau, très lent et justement mis en scène alors qu’il décrit un univers sans loi ni morale. En cela, c’est un film très épuré. La violence n’est jamais gratuite et se manifeste avant tout de manière cérébrale. Le film est sombre, très sombre, avec toute une thématique autour de la mort (exécution, procession, mise en bière, vengeance, meurtre, suicide), avec en toile de fond la froideur du cadavre de Johnny exposé pour la famille (et pour le spectateur). Peu importe ou presque que le coupable soit trouvé, la mort du petit dernier va pousser chacun dans ses obsessions les plus absurdes et les plus basses, se retournant évidemment contre lui.

Le film est avant tout une plongée dans un New-York nocturne révolu, au même titre que ces gangsters. Il y a des scènes magistrales (Ray s’adressant à son frère reposant dans le cercueil, Chez s’adonnant à un chant improvisé, ou Johnny se faisant abattre froidement) que l’on retiendra, ainsi que la musique, obsédante, venant renforcer l’aspect irréversible du malheur qui s’abat sur la famille.

Ferrara ne retrouvera pas la grâce de ce film totalement abouti dans ses créations suivantes (bien que New Rose Hotel soit assez convaincant) de même que les trois acteurs principaux dont Christopher Walken qui attend depuis quinze ans un grand rôle au cinéma malgré une filmographie qui ne désemplit pas. Un film à (re)découvrir assurément car Ferrara a su renouveler le genre en créant une véritable atmosphère de film de gangsters moderne où la violence est partout, et avant tout dans les esprits, tout en déconstruisant l’image du mafieux habituel. Et ce en brossant une belle galerie de portraits contemporains.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 01/06/2012 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)