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Poches -> Littérature |
| Didier Daeninckx Missak Pocket 2010 / 6,50 € - 42.58 ffr. / 278 pages ISBN : 978-2-266-20025-7 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication en août 2009 (Perrin) Imprimer
A lhiver 1955, il est question dinaugurer une rue à la mémoire de Missak Manouchian et du groupe de résistants quil commandait jusquà leur exécution commune, le 21 février 1944 - groupe célèbre pour avoir donné lieu à «lAffiche rouge». Louis Dragère est alors jeune journaliste à LHumanité, plutôt spécialiste des faits-divers, mais cest lui qui est choisi par la direction du Parti communiste pour une mission secrète, qui consiste à se documenter sur leur cas, afin détayer la légende que le «parti des résistants» a constitué autour deux. Dragère se met à luvre, puisquon ne discute pas les consignes du Parti, mais ses découvertes ne sont pas forcément celles quil sattendait à faire, et elles finissent même par linterroger sur son cas personnel.
Le lecteur du roman croise avec lui la grande et la petite histoires, et plusieurs personnalités dont le nom était alors fameux ou lest devenu par la suite. Certains, peintres ou chanteurs, sont là pour le décor, expressif, sur fond de région parisienne envahie par les grandes inondations de 1955. Dautres noms correspondent à ceux de personnages importants du récit ; Dragère rencontre ainsi lors de son enquête Jacques Duclos, Louis Aragon, Charles Aznavour, Krikor Bedikian, Henri Krasucki et Charles Tillon. Sous linfluence de ces témoignages et de documents exhumés, la figure de Missak Manouchian se complexifie, il apparaît poète, modèle de peintre, théoricien de lart et de la politique, ainsi quami et amoureux. Mais autour de lui la monolithique (alors du moins) légende de la Résistance se fissure : tous les combattants nont pas eu un parcours rectiligne, les allégeances ont varié, et la mémoire entretenue après la guerre sest montrée sélective.
Plus quà la figure de Manouchian et à son groupe de combattants (également présents dans LArmée du crime, film de Robert Guédiguian), Daeninckx sintéresse aux ambiguïtés du Parti communiste pendant et après la guerre, en particulier à une période où son influence était grande mais où les événements présents et passés lagitaient, donnant lieu à la polémique :
«- Cest impossible ! On ne peut pas parler de cette manière du parti de Guy Môquet, de Gabriel Péri, de Manouchian... (...)
- Je vous parle, moi, du parti de Thorez, de Duclos, de Vieuguet, pas du parti des martyrs !».
Lauteur ne fait finalement que secouer encore sa marotte de la dénonciation des collusions entre rouges et bruns, mais il le fait de manière bien plus convaincante en appuyant ce roman historique sur des sources solides que quand il pratique la manipulation et la calomnie. Missak donne limpression dun «travail de pro», dun professionnel de lécriture qui sait manier de concert réalité et fiction, qui fait uvre dhistorien et dintellectuel engagé, tout en la rendant vivante grâce aux techniques cultivées comme auteur de polar, jouant même avec le texte où il enchâsse des pages diverses, poèmes, lettres, articles originaux ou apocryphes. Ceux qui sintéressent aux querelles partisanes de limmédiat après-guerre trouveront sans nul doute passionnant de les voir retracées ainsi. Les autres liront Missak comme un roman à latmosphère dense, à lépaisseur troublante, à lintrigue serpentine, enrichi de culture historique, puisque Manouchian et ses compagnons méritaient un hommage.
Marc Lucas ( Mis en ligne le 10/09/2010 ) Imprimer
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