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Une saga polonaise
Amicie d' Arces   Les Larmes des Polonaises
Feuille Bleue 2008 /  21 € - 137.55 ffr. / 412 pages
ISBN : 978-2-917407-03-5
FORMAT : 16cm x 24cm

Date de parution : 11/09/2008.

L'auteur du compte rendu : Françoise Poulet est une ancienne élève de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon. Agrégée de lettres modernes, elle est actuellement allocataire-monitrice à l'Université de Poitiers et prépare une thèse sur les représentations de l'extravagance dans le roman et le théâtre des années 1630-1650, sous la direction de Dominique Moncond'huy.

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Toute personne originaire de Saône-et-Loire a déjà entendu parler de la famille Schneider du Creusot, qui y fonda ses établissements métallurgiques, ainsi que des mines de charbon de Montceau. Le bassin minier de ce département s'est principalement établi autour de ces deux villes distantes d'une vingtaine de kilomètres. Là, entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, des milliers d'immigrants polonais furent appelés par wagons entiers pour subvenir au besoin de main-d'œuvre, installés, logés et employés par les maîtres de forges ou par la Compagnie des mines. Amicie d'Arces a rencontré les familles des descendants de ceux qui avaient fui la misère de leur pays. Dans son premier roman, elle retrace pour nous le destin de trois générations d'immigrés polonais, depuis les premiers arrivants, au début du XXe siècle, jusqu'à la génération des années 1960, née en France et de plus en plus fréquemment naturalisée.

Plus précisément, ce sont des femmes que nous sommes invités à suivre. Il y a d'abord Maria, arrivée avec sa tante Danuta au début des années 1920, sa fille Hanna dans les bras, fruit d'un amour impossible avec l'aristocrate Tadeusz ; ses parents, peu désireux de s'encombrer d'une fille-mère qui les déshonore, l'ont confiée aux Ziebienski pour l'éloigner. Parallèlement, nous assistons au destin mouvementé de Danuta, venue rejoindre son mari Piotr à Montceau, et de sa fille Ewa, cousine de Maria, qui tente de fuir la mine et la communauté polonaise pour connaître un sort meilleur. C'est ensuite le fil de la vie d'Hanna que nous suivrons, jeune femme révoltée qui choisira avec soin sa carrière professionnelle et épousera un Français ; enfin, la jeune Dominika ou Dominique, celle qui étudiera les sciences et se destinera à une belle carrière au Creusot, la seule, également, à rendre visite à la Pologne, ce pays d'origine dont tout le monde parle mais que, désormais, personne ou presque ne connaît réellement.

Cette saga familiale nous fait traverser une large partie du XXe siècle, avec ses épisodes heureux (les avancées sociales du Front populaire, les progrès techniques), ou plus souvent tragiques (les grandes grèves, la Seconde Guerre mondiale, les conflits idéologiques et les luttes opposant syndicats et grand patronat). Le livre retrace une épopée, au sens d'«aventure collective» : celle de familles transplantées vers l'inconnu et de leur intégration difficile à ce nouveau territoire ; Amicie d'Arces brosse une grande fresque des rapports parfois conflictuels de ces immigrés avec les Français, de leurs luttes de génération, de leurs évolutions au fil du temps. Le point de vue demeure toujours féminin : par le biais des héroïnes de ce roman, nous assistons aux naissances, mariages et deuils, à la difficulté du travail dans les mines ou les forges, aux souffrances engendrées par les hommes. «Les hommes, ce n'est pas raisonnable, ça fait souvent pleurer les femmes» (p.335). Les larmes de chacune d'entre elles guident le lecteur d'un bout à l'autre du récit.

Si l'intérêt documentaire de l'ouvrage d'Amicie d'Arces est certain – le roman étant richement documenté et imprégné du vocabulaire technique du bassin minier, de la langue et des coutumes des Polonais – on regrettera toutefois que l'intérêt littéraire ne soit pas à la hauteur du premier. Le récit de ces trois générations d'héroïnes devient très vite répétitif et lassant : la narration semble avancer moins vite que l'Histoire et peine à rendre compte des grandes évolutions marquantes du siècle. Les mêmes scènes reviennent fréquemment, repas de fête autour des pontchki, cérémonies à l'église, mariages et naissances, si bien que l'ensemble bascule vite dans la monotonie. Finalement, en se limitant au point de vue féminin, cette grande fresque semble être abordée par le petit bout de la lorgnette. Les héroïnes peinent à acquérir une profondeur et à véritablement s'individualiser. Elles finissent par se classer en deux catégories : celles qui acceptent de bon cœur leur sort de mères de famille et d'épouses aimantes et celles qui veulent être libres de choisir leur propre voie. Mais toutes sont d'une grande beauté et suscitent d'emblée l'amour-passion des hommes !

A l'inverse, les femmes françaises semblent, pour leur part, toutes dévergondées et insoumises. L'empathie que l'auteur semble avoir éprouvée au fil de l'écriture pour ses personnages abolit les nuances, transforme les hommes et les femmes en héros dans une vision de l'histoire parfois trop manichéenne, comme en témoignent les titres des chapitres : «Le Creusot, octobre 1936. Hanna et Louis, l'espoir et les ténèbres», suivi de «Le Creusot, juin 1943. Hanna et Louis, les héros et la lumière». La mise en scène dramatique pâtit d'effets d'annonce convenus («Le destin allait se venger bien cruellement de ce fragile bonheur», p.66), tandis que la fin du roman, faute de trop vouloir boucler la boucle, est marquée par une série de péripéties invraisemblables.

Néanmoins, si nous sommes plus proches ici de La Rivière Espérance de Christian Signol que du Germinal de Zola, ce premier ouvrage d'Amicie d'Arces demeure un hommage touchant rendu aux Polonais de Saône-et-Loire et à leurs descendants.


Françoise Poulet
( Mis en ligne le 05/11/2008 )
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