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| Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Fabienne Juhel A l'angle du renard
Rouergue - La Brune 2009 / 17 € - 111.35 ffr. / 234 pages
ISBN : 978-2-84156-994-6
FORMAT : 14cm x 20,5cm
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Troisième roman édité de Fabienne Juhel, A l'angle du renard donne la parole à Arsène Le Rigoleur (il trouve que son nom lui convient mal), un paysan d'âge mûr attaché à sa ferme et à son élevage laitier, planté aussi profondément qu'un arbre dans ses terres de l'intérieur de la Bretagne bretonnante, à une trentaine de kilomètres de la mer. Tandis qu'il assiste au début du récit à l'installation de ses nouveaux voisins, une famille de citadins peu acclimatée à la vie locale, ce vieux garçon sauvage et solitaire, plutôt taiseux d'ordinaire, sauf lorsqu'il s'adresse à son défunt frère François, nous entraîne progressivement dans son univers, soit lorsqu'il raconte comment Juliette, la petite fille d'en face, se prend d'affection pour lui et se met à l'appeler «tonton», soit lorsqu'il revient sur son passé et sa façon un peu brutale, toute particulière, de défendre et protéger son territoire.
Car ce narrateur étrange appartient à la famille des renards. Il en a la ruse et l'intelligence déterminée lorsqu'il s'agit de défendre les siens et de laisser parler son instinct de vengeance ; il en a l'astuce moqueuse lorsqu'il veut jouer un mauvais tour à ses ennemis et pénétrer dans leur territoire à leur insu ; il en a le goût de la solitude et de la vie sauvage dans les landes bretonnes. Mais, avec Juliette, ce sont les autres facettes de l'animal qui apparaissent : il devient alors le renard du Petit Prince, celui qui cherche à être domestiqué par soif d'affection et d'amitié.
Ainsi, l'humanité se sépare en deux camps : celui des renards, que l'on identifie à leur rousseur (Louis) ou aux éclairs de feu que lance leur regard (Marie Maffart), et les autres. Arsène, dont la mère portait le nom de Le Luern («Le Renard» en breton), ne peut appartenir qu'à la première catégorie. «Marie Maffart, elle avait compris ça aussi. Le truc du renard. Parce qu'elle, moi, le rouquin ou François, on était de la même espèce. Avec un sens aigu du territoire» (p.183).
Le renard suit les hommes tout au long de leur vie et accompagne leur âme dans la mort, nouvel animal psychopompe. Mais sa couleur rouge en fait aussi un complice du Diable. C'est cette bête qui tue le Père, mais c'est elle aussi qui finira par perdre le narrateur, en se montrant plus rusée que lui. Comme l'Indien, autre figure récurrente du roman, cet animal sauvage évoque les instincts qui ne cessent de guider l'homme : instinct de protection de son territoire, de vie libre dans la nature, de survie par la nourriture, instinct sexuel... Autant de pulsions qui poussent à détruire l'autre.
Le récit épouse le style de son locuteur, une parlure paysanne marquée par l'oralité et les expressions familières, pleine d'un humour violent. En donnant la parole à son protagoniste, l'uvre parvient à construire un personnage attachant, malgré sa brutalité bestiale et angoissante. A l'angle du renard s'inscrit parfaitement dans l'imaginaire de Fabienne Juhel, qui a montré dans ses romans antérieurs sa prédilection pour le monde magique de l'enfance, la nature mystérieuse et animale, mais aussi le crime (elle a écrit des romans policiers restés inédits). Le renard s'érige ici en nouveau symbole de cet univers sauvage et non domestiqué.
Françoise Poulet
( Mis en ligne le 20/02/2009 )
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de Fabienne Juhel | | |
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