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L'autofiction dans le boudoir | | | Isabelle Grell Presque amour Le Manuscrit 2009 / 13,50 € - 88.43 ffr. / 89 pages ISBN : 978-2-304-03102-7
Lauteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française, diplômé de lUniversité de Nottingham Trent (PhD). Membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS), cofondateur des sites http://herveguibert.net/ et http://autofiction.org/, il est aussi l'auteur, chez l'Harmattan, de Hervé Guibert. Vers une esthétique postmoderne (2007). Imprimer
Dès son premier roman, Isabelle Grell se lance dans larène. Elle est le toréador frôlant la corne du taureau quévoquait Michel Leiris à propos de la littérature autobiographique. «Mettre à nu certaines obsessions d'ordre sentimental ou sexuel, (
) tel fut pour l'auteur le moyen (
) d'introduire ne fût-ce que l'ombre d'une corne de taureau dans une uvre littéraire». Ce propos de lauteur de LÂge dhomme conviendrait au sulfureux Presque amour dont il est ici question. Si la narratrice assiste dès le début du roman à une conférence sur «La censure dans lautobiographie féminine», cest pour nous annoncer que la leçon est bien comprise, et que de censure, ici, il ny aura pas.
Une femme, Isabelle, préparant un doctorat sur Sartre, raconte la relation sexuelle quelle entretient avec lamant, C. Chambres dhôtels, étreintes, baises rapides ou interminables
Les hommes, nous dit la narratrice, elle les aime plus âgés, depuis quelle a perdu son père, à lâge de 9 ans : «Lamour. perdu. à neuf ans. Depuis je ne peux plus quaimer les hommes grisonnants, les corps qui respirent la vie vécue, la recherche de la vie et la fuite devant la mort. Je les aime quand ils respirent fort, quand ils crient lorsquils minondent, la force de leur bassin, la fébrilité de leur cur, le premier cri peut être le dernier, le mien aussi». Le roman se lit comme une exploration des corps, comme une machine à dire la jouissance, à la décortiquer.
Cette autopsie de lamour par la narratrice laisse place, dans la deuxième partie, au point de vue de lamant. Cest alors lui qui prend le relais, donne sa version des faits, des actes, et invite le lecteur à relire, à revoir, à revivre la première transcription. Deux versions comme deux corps qui se chevauchent, se juxtaposent, se répondent.
Ce texte est aussi surtout une mise à nue, une expérience, où lécriture incisive se donne à lire comme un corps offert, comme une âme meurtrie. Car dans cette extraordinaire capacité à jouir, on laura saisi, se dissimule un mal à être, une faille que lécriture autofictionnelle tente, à sa manière, de panser.
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 11/01/2010 ) Imprimer | | |