| Anna Soler-Pont Asha Miro Traces de santal Buchet Chastel 2010 / 23 € - 150.65 ffr. / 351 pages ISBN : 978-2-283-02402-7 FORMAT : 13,8cm x 20,5cm
Traduction de François-Michel Durazzo Imprimer
Lodeur enivrante des forêts deucalyptus qui bordent Entoto, quartier dAddis-Abeba, la fragrance des grains de café que lon grille avant de boire le précieux breuvage, la brume parfois si intense quelle brouille la vue de la ville, resteront à jamais inscrites dans le cur de Solomon, jeune garçon âgé de 8 ans, tout comme la mort de sa mère et de son père, dans cette Éthiopie multiséculaire où lespérance de vie ne dépasse guère 42 ans. Nous sommes en 1974, lempereur Hailé Sélassié est destitué par un coup détat tandis quun énième conflit avec le voisin somalien éclate. Le chaos politique, les militaires intraitables et arbitraires et la pauvreté réduisent les plus maigres espoirs. Solomon, comme quelques milliers denfants, est envoyé à Cuba, le «sauveur communiste» qui, dans un programme détudes, offre une occasion inespérée à ces orphelins éthiopiens de se construire un avenir.
A des milliers de kilomètres du continent africain, au cours de cette même année 1974, en Inde, dans la région de Kolpewadi Maharashtra, Mouna, 11 ans, et Sita, sa jeune sur, deviennent orphelines comme de nombreux enfants indiens. Être de sexe féminin dans une Inde aux traditions inébranlables ne présage pas un avenir mirobolant surtout si lentourage na pas les capacités matérielles de fournir une dot convenable à la famille d'un futur époux... Dans ce contexte, les deux surs sont séparées. Mouna, vendue, viendra grossir les effectifs dune fabrique de tapis. Sita sera confiée à une association catholique tenue par des surs blanches. Toutes deux découvrent Bombay, son agitation permanente, ses foules anarchiques, colorées et bruyantes, la poussière qui dépose une fine pellicule ocre sur la peau, les épices qui excitent le nez à chaque instant.
30 ans plus tard, au début des années 2000, les chemins de ces trois orphelins se croisent, simplement, comme une évidence, comme si les souffrances de leur enfance avaient rassemblé les adultes dans une mystique complicité ; est-ce une solidarité inconsciente dindividus sans cesse déracinés, malgré eux, trimbalés au gré des humeurs et des caprices dautres personnes ou dorganisations ? Inutile den dire plus, de dévoiler lexistence des trois protagonistes ; la saveur de ce roman est dautant plus intense que lon découvre la force du parcours de ces jeunes progressivement.
Traces de santal est un roman exquis par les émotions quil procure. Les mots sont sensuels, délicatement choisis, de telle sorte que de multiples images se créent à chaque page lue. Osons une comparaison même lointaine avec lambiance des films de Bollywood, qui sont capables dentremêler drames, ambiances joyeuses, musicales, et des rebondissements inattendus. Lespoir, la certitude que ladversité peut être transformée et sublimée, la persévérance comme point de salut pour une ré-appropriation de soi, voilà les ingrédients que nous proposent Anna Soler-Pont et Asha Miro à travers les trajectoires de Solomon, Mouna et Sita. Trois personnages attachants, épatants, simples. Considérés comme des étrangers partout où ils posent leurs pas, un peu comme certains immigrés qui viennent métisser nos pays
Saluons également la grande cohésion dans cette écriture à quatre mains.
Frédéric Bargeon ( Mis en ligne le 02/06/2010 ) Imprimer | | |