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Napoléon III : fin
Nicolas Chaudun   L'Eté en enfer - Napoléon III dans la débacle
Actes Sud 2011 /  19.80 € - 129.69 ffr. / 220 pages
ISBN : 978-2-7427-9278-8
FORMAT : 11,6cm x 21,7cm
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«Comment voulez-vous que les choses marchent dans ce pays ? L’Impératrice est légitimiste ; Morny est orléaniste ; moi-même je suis républicain ; il n’y a qu’un seul bonapartiste, c’est Persigny, mais il est fou» (p.90). C’est en ces termes que Napoléon III répondit, un jour, à un donneur de leçons qui, revendiquant une sorte de droit d’inventaire, lui détaillait chacune des lacunes du régime impérial. Cruellement fondée, la boutade rend compte d’une réalité persistante, qui ne fera que s’accentuer au cours de la débâcle.

Dans son dernier ouvrage L’Eté en enfer, l’ancien directeur de la rédaction de Beaux-Arts Magazine retrace la débâcle du Second Empire face à l’Allemagne nouvellement unifiée. Alors que la crise diplomatique entre les futurs belligérants avait d’abord été surmontée, elle fut ravivée in extremis. Si cuisante fut-elle, la défaite impériale qui s’ensuivit n’avait même pas été envisagée lors de la déclaration de guerre. S’abusant et abusant un Empereur souffrant, le Ministre Lebœuf affirma sans ambages : «nous sommes prêts, archiprêts ; (…) la lutte dût-elle durer deux ans, nous n’aurions pas un bouton de guêtre à acheter» (p.35). Les Français plastronnaient et se voyaient déjà déferler sur Berlin.

Pourtant, l’impréparation - voire l’amateurisme - était de mise. D’ailleurs, comme chacun le sait, le sort des armes fut tragiquement défavorable à l’armée française. «Début août, la France alignera quatre-cent-trente-cinq mille hommes en état de se battre ; l’Allemagne unifiée, pas loin du double». Du côté français, d’aucuns s’indignèrent de n’avoir «encore ni cantines ! ni ambulances ! ni voitures d’équipage pour les corps et les états-majors ! Tout est complètement dégarni» (p.56) ! L’armée manquait, il est vrai, de tout. Particulièrement lucide, dès le début de la conflagration, Napoléon III télégraphia à l’Impératrice : «rien n’est prêt, nous n’avons pas suffisamment de troupes, je nous considère comme d’avance perdus» (p.57).

La catastrophe que pressentait secrètement Napoléon III allait se concrétiser de façon fulgurante. Voguant funestement d’échec en désastre, l’Empereur continua de s’affaiblir physiquement. Souffrant de calculs rénaux, demeurés négligés envers et contre tout, le prince avait «dans les reins comme une pelote d’aiguilles qui lui perfor[ai]ent les intestins». Dès les premières chevauchées, nous raconte l’auteur, «il lui a fallu mettre pied à terre à plusieurs reprises ; par-delà les haies derrière lesquelles il s’isolait, on l’entendait à peine réfréner ses plaintes. Et au terme du premier simulacre d’offensive, il a éprouvé de telles difficultés à descendre de cheval que, une fois à terre, il a dû s’appuyer sur arbre, comme hors d’haleine» (pp.70-71).

Dans une très belle langue, l’auteur retranscrit la longue agonie du Second Empire ainsi que le terrible supplice du souverain. Pour ce faire, N. Chaudun rapporte notamment le témoignage de l’écrivain Paul Lindau : «je n’avais jamais vu une personnification si complète de l’apathie. Ce n’était pas une figure vivante, une figure humaine que je voyais, c’était un masque sans vie et sans expression. (…) je ne pouvais pas me persuader que la ruine que j’avais devant les yeux était l’homme dont la voix, quelques semaines auparavant, s’entendait d’un bout à l’autre du monde» (p.153). Défait, Napoléon III erre sur les champs de bataille en quête d’une mort qui lui épargnerait le déshonneur. D’abord dépossédé du pouvoir politique par son épouse la régente et les «Mamelouks» (p.61), l’Empereur sera ensuite privé du commandement militaire. Avec toute sa suite, au gré des retraites, il sera traîné par l’état-major comme un fardeau, «un boulet d’or» (p.104).

Semblable à «ces eaux grossies, qui emportent d’un même élan les glaces de l’hiver et l’arrogance des princes» (p.9), la débâcle du Second Empire parait annonciatrice d’une tragédie pire encore, celle de la Seconde Guerre mondiale. Rien dans la malheureuse campagne militaire de 1871 n’a su inspirer autre chose que colère et mépris auprès des soldats, si ce ne sont les charges héroïques de la cavalerie emmenée par Galliffet, auxquelles l’ennemi lui-même ne demeura pas insensible. «Depuis les hauteurs de la Marfée (…), écrit N. Chaudun, on observe l’assaut, puis son ressac. Guillaume Ier, pour l’heure roi de Prusse, ne lâche pas un instant sa lorgnette, ému d’un panache dont les dogues qui le flanquent, Moltke et Bismarck, n’ont que faire. Et quand, sans plus d’espoir de succès que de salut, les escadrons s’élancent pour l’ultime charge, le roi s’exclame : «Oh, les braves gens !» Des ordres fusent, des estafettes s’agitent : il faut que les honneurs soient rendus aux miraculés de cet élan désespéré. De fait, quand Galliffet et ses diables bigarrés s’esquivent à nouveau, le 81e régiment d’infanterie prussienne qui les tient à sa portée suspend son feu. Crânement, chasseurs et hussards saluent du bout du sabre et de ce cri : «Vive l’Empereur !» C’en est fait. Jamais plus soldat français ne s’égosillera de la sorte» (p.133).


Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 09/03/2011 )
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