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Candeur et cynisme dans l’Empire du Milieu | | | Stéphane Fière Double bonheur Métailié 2011 / 18 € - 117.9 ffr. / 354 pages ISBN : 978-2-86424-757-9 FORMAT : 13,9cm x 21,5cm Imprimer
Comment gommer tous les fantasmes circulant sur la Chine dans notre monde «occidental» ? En lisant le dernier roman de Stéphane Fière, Double bonheur. On y découvrira que les Chinois sont attirés par le pouvoir, le sexe, largent, la vulgarité, et ont un gout prononcé pour une ironie mordante à légard des occidentaux, particulièrement de ceux qui se piquent de bien connaître leur civilisation.
On y suivra litinéraire dun jeune Français, François Lizeaux, interprète franco-chinois, qui débarque à 24 ans à Shanghai, bardé de diplômes et surtout dune connaissance très pointue de la langue chinoise. Des Chinois et de leur vie, de leurs coutumes, il ne connait presque rien, et il va vite découvrir, assimiler et adopter leurs principaux centres dintérêt.
«Les Chinois m'appellent Fanshe. Moi, ça me plaît bien, le son chante agréablement à mes oreilles, même si les deux caractères n'ont aucun sens, il s'agit simplement de la transposition phonétique de mon prénom. Je ne suis pourtant qu'un vulgaire Blanc à la peau grasse de cochon rose, un diable velu, une créature d'au-delà des terres civilisées ; un laowai («singe blanc" , équivalent de «Chinetoque» chez nous), sans idées ni culture, gavé de viandes hachées sur trois étages suintants de fromage fondu, collé à mes seaux de frites françaises ou de maïs sauteur, à mes Coca-Cola remplis de glaçons, vautré sur un canapé devant la télévision allumée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, des billets de cent dollars débordant de toutes mes poches» (p.7).
On se perdra peut-être dans les cent premières pages qui paraissent un peu longues et répétitives : quand on a compris la cupidité, lamour des relations sans lendemain, le cynisme et lhypocrisie du monde des consulats et ambassades (côté chinois aussi bien quoccidental), dans lequel vit le héros, quand on aura constaté que ce héros va vite adopter tous ces modes de fonctionnement, on se lassera un peu de la répétition des anecdotes, malgré lécriture originale, vive et foisonnante et le style très percutant, parfois proche de la parole.
Le roman prend de lampleur lorsque François, le héros, rencontre lamour, le vrai, sous les traits de la charmante An Lili, rencontre qui le fera définitivement (croit-il) basculer du côté chinois. La suite et la fin du roman ne sont pas dépourvues dun certain suspense, dont il est difficile de dire plus, et qui redonnent dans les cent dernières pages un intérêt indéniable au roman ; on pourra néanmoins penser à la fermeture du livre que son auteur aurait pu, sans égratigner en aucune façon la qualité indéniable du roman, nous épargner une bonne centaine de pages.
Après Sciences-Po et des études de chinois et de sciences politiques à Harvard, une carrière professionnelle aux États-Unis, Stéphane Fière travaille à Pékin depuis plusieurs années. Il vit dans le monde chinois depuis vingt ans, parle le mandarin et s'est toujours inséré dans les communautés chinoises (et non d'expatriés) et selon les modes de vie chinois, que ce soit à Taiwan, à Hong Kong, aux Etats-Unis ou en Chine.
Michel Pierre ( Mis en ligne le 20/04/2011 ) Imprimer
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