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Inégal
Clara Royer   Csillag
Pierre-Guillaume de Roux 2011 /  18,90 € - 123.8 ffr. / 292 pages
ISBN : 978-2-363-71000-0
FORMAT : 12,5cm x 20,7cm
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À vingt neuf ans, Clara Royer publie son premier roman chez Pierre Guillaume de Roux, à la tête de sa propre maison d’édition. Polyglotte, normalienne, titulaire d’une maîtrise et d’un DEA d’Histoire, l’auteure de cet ouvrage est agrégée de Lettres Modernes, docteur en histoire et en littératures hongroise et slave. Actuellement maître de conférences en Cultures d’Europe centrale à Université Paris-Sorbonne IV, après une thèse soutenue en 2008 sur les écrivains juifs en Hongrie de l’entre-deux guerres, en voie de publication, elle est en outre traductrice de textes hongrois, eux aussi publiés.

Un cursus universitaire aussi brillant offre-t-il la garantie d’une fiction réussie ? «Euh, c’est un peu compliqué, ça dépend de» quelles pages on a en face de soi… dirons nous en plagiant l’auteure de Csillag pour souligner le caractère inégal de l’ouvrage. En effet, l’écriture intelligente s’avère ludique, inventive, cependant concise et condensée : «C’est comme de jouer à la marelle avec les mots, parole à cloche-pied, raison abdiquée» (p.20). Raison en fait très gardée car tout en retrouvant en elle la spontanéité de la petite fille, Clara Royer n’«écrit pas pour ses tiroirs» et veille au rythme de ses mots (rencontre avec Olivier Germain-Thomas, France culture, «For Intérieur», 29 avril 2011 et avec Nils C. Ahl, Le Monde des Livres, 17 juin 2011). L’idylle entre le narrateur et le lecteur paraît néanmoins fragile.

Elle commence fort. Dans les premières pages où l’on découvre «Marie la juive, la tête dans un four ! Un four de cuisine» (p.14) s’ouvre une zone de dialogue et d’empathie avec le lecteur, en écho inverse de celui qu’Ethel, l’héroïne du roman, ne peut plus établir avec sa grand-mère adorée, Marie, désormais emmurée dans sa démence. Seul un rapproché corporel tendre et apaisé, illustré par de jolies pages, unit encore ces deux femmes. Csillag signifie étoile en hongrois, csillagom, ma petite (étoile) chérie, un mot gentil que prononçait l’aïeule, avant de lui raconter une histoire le soir. Coup de tonnerre : alors qu’elle s’est forgée une identité juive hongroise transmise par les femmes, la narratrice apprend que Marie est goye et a tout inventé. Patatras. Qui est vraiment Marie ? Les prénoms ne sont pas choisis par hasard. Les patronymes non plus. Le lecteur est plongé avec délice dans l’ambiance toxique des secrets de famille et pris à témoin d’une enquête quasi policière menée avec ou à l’insu du petit ami, sorte de double inquisiteur sans plus d’importance que tous les piètres figurants masculins de ce récit. Peu importe les exagérations et les invraisemblances de leurs échanges qui se veulent intelligents, puisqu’il s’agit de fiction.

L’effondrement d’Ethel est à la fois drôle et grave. Drôle, parce que l’auteure ose manier les clichés à l’envers : un goy qui revendique la judéité, c’est plutôt rare. Plus fréquentes sont en effet les tentatives inverses de cacher des origines juives en escamotant les patronymes : prononcez Klin au lieu de Klein, Golstin et non Goldstein… Grave, sinon tragique révélation pour Ethel cependant, car au sentiment d’une trahison s’ajoute l’angoisse aiguë d’une soudaine perte d’identité. Mais comment définir l’identité juive ? De quoi s’agit-il pour la troisième génération, sans le support des rites et des pratiques, sans terre promise à l’horizon, lorsque la langue parlée n’est ni le yiddish ni l’hébreu ? Exemplaire réponse, pour le moins nuancée, page 177 : «Euh… c’est un peu compliqué. Ça dépend de qui j’ai en face de moi»…

Reste l’histoire peu «ordinaire» de Marie. Ici l’écheveau s’embrouille, chaque protagoniste a son double et entre le faux et le vrai, le lecteur se perd, en dépit de la finesse des observations. Plus problématiques lorsqu’elles concernent un groupe de vieilles dames réunies dans un restaurant : «Mais c’est cafardeux à voir, ces petites vieilles en décomposition, ces restes rabougris, radoteurs et ridicules, qui crachouillent dans leurs serviettes, s’essuient le nez dans la nappe et tremblotent par dessus leurs assiettes. Une à une, il en émanerait de la vie — à huit, c’est danse macabre sur chaises» (p.237). Certes l’écrivain peut tout se permettre mais pour le lecteur il n’est pas interdit d’y associer la «petite phrase» désormais célèbre : «Quand il y en a un, ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes» (prononcée le 5 septembre 2009 par Brice Hortefeux). Aussi brillante en soit l’écriture, cet humour ne passe pas.

Libre au lecteur grincheux de rappeler le rituel sujet de philosophie : «pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie : il ne faut pas être au-dessus des hommes ; il faut être avec eux».


Monika Boekholt
( Mis en ligne le 22/07/2011 )
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