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Un totalitarisme caché ?
Tarun Tejpal   La Vallée des masques
Le Livre de Poche 2014 /  7,60 € - 49.78 ffr. / 476 pages
ISBN : 978-2-253-19486-6
FORMAT : 11,0 cm × 17,6 cm

Première publication française en août 2012 (Albin Michel)

Dominique Vitalyos (Traduction)

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A la veille de mourir, exécuté par les siens, un homme se livre et raconte son histoire, celle d’une communauté indienne hors du temps, cachée dans une vallée de montagne et protégée de la société moderne, où, hommes et femmes, sous la conduite d’un gourou et de ses disciples, s’emploient à créer une humanité parfaite.

Présentée ainsi, cette communauté aurait des allures d’utopie : au terme d’une longue formation, chacun se voit assigné un rôle précis dans cette tâche immense, depuis l’humble cuisinier jusqu’au guerrier suprême, le Wafadar, avec, dans un horizon lointain, la possibilité de transformer l’humanité et de la délivrer du désir, de l’angoisse, etc. Oui, mais ! Le narrateur, ayant accédé au stade suprême – celui des guerriers Wafadar, quasiment des surhommes –, a finalement fui cette étrange société, où l’identité – jusqu’au nom, au visage – est niée, où les liens personnels, y compris les liens familiaux, sont considérés comme une faute, où le plaisir n’est qu’un symptôme d’échec. Une société où hommes et femmes sont strictement séparés, où les femmes ne sont destinées qu’au plaisir et à la reproduction, après avoir subi un viol rituel, où les individus différents sont promis à la mort ou à l’exclusion. Après avoir été le bras armé de la communauté et de ses maîtres, le narrateur a finalement choisi une autre vie, une «normalité» intolérable pour les siens qui le pourchassent pour le tuer. Et au cœur de cette réalité, il témoigne…

Voilà un roman hallucinant, à mi chemin entre la fable philosophique, le roman fantastique et la parabole politique : au début, la communauté évoquée par le narrateur, en dépit de ses accents un rien militaire, semble cohérente, sereine… une communauté aux règles exigeantes, visant à former des êtres d’exception, libérés du désir... un fantasme bouddhiste. Mais dans ce meilleur des mondes, les marges apparaissent peu à peu comme un véritable enfer totalitaire, où le salut – et les désirs, la folie même - de quelques-uns sont devenus la règle de tous. Peu à peu, la réalité perverse de la communauté apparaît au narrateur, et au lecteur, comme une manière de totalitarisme poussé jusqu’à ses limites.

Dans ce récit à la première personne, on partage les pensées, les discours du héros, on vit son conditionnement dès l’enfance, le lavage permanent du cerveau, les dogmes immuables et inhumains qui forment l’ossature culturelle de la communauté, la manière dont le monde réel est perçu – entre haine et mépris : on le suit dans ses raisonnements les plus fous jusqu’à ce que la lumière vienne enfin. Et l’utopie se mue en une dystopie terrifiante, une machine à broyer les familles, les femmes, les enfants, tous ceux qui ne rêvent pas de perfection guerrière et ne nourrissent pas forcément de sombres projets pour l’humanité normale.

Écrit d’une plume riche, très imagée, ce roman se dévore, révélant un auteur subtil, Tarun Tejpal, déjà primé pour Loin de Chandigarh. Le charme réside autant dans l’écriture très dense et poétique - qui fait de chaque moment, et notamment du combat, un ballet où tous les gestes comptent – que dans l’art du récit, qui parvient, à coups de révélations soigneusement amenées, à nous faire partager les doutes, puis les choix du narrateur. On ressort de cette lecture avec la sensation d’avoir touché là un état d’esprit finalement assez connu, celui du fanatisme et de la violence légitime. La secte des Wafadar n’est que le reflet de tout ce que l’humanité a pu engendrer de violence purificatrice et de prophètes armés.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 16/04/2014 )
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