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Une fin de monde possible | | | Elsa Boyer Heures creuses P.O.L 2013 / 13 € - 85.15 ffr. / 148 pages ISBN : 978-2-8180-1806-4 FORMAT : 14,0 cm × 20,0 cm Imprimer
Plus que de «petites angoisses» que le personnage fuit en voiture, les «heures creuses» sont celles qui savèrent être solides, gluantes, emprisonnantes. Elles peuvent meurtrir le cerveau ou attaquer en gelée gluante et elles reviennent à lattaque régulièrement dans ce deuxième récit dElsa Boyer. Ce sont aussi celles dun monde en crise, une crise floue dans une métropole quasi déserte et peu à peu envahie de végétations et diguanes. Cest un monde en crise voire une fin de monde où les perceptions du personnage central, masculin, inconnu, sont elles-mêmes en crise.
Des traces du passé à sa fuite finale en automobile Lotus, il ne lui reste que le retour obsessionnel dune femme, une certaine Gertrude Jekyll. Mais plutôt quune femme, il vaudrait mieux parler dune figure féminine sans cesse changeante que le personnage poursuit. La présence de Gertrude Jekyll est plastique, étrange, voire inhumaine et sans aucune psychologie. Dailleurs, cest aussi cela une fin de monde, cest la fin dune approche explicative. Il ny a plus dexplications, plus de logique habituelle, les images senchaînent et glissent, elles se métamorphosent, les situations deviennent incongrues et étonnantes.
«Quand les choses fonctionnaient encore», cétait sans doute différent mais, depuis une «invasion invisible», avec lapparition dun iguane, puis de chats massifs qui se battent avec des iguanes, tout a changé. Même la végétation est de plus en plus abondante, elle envahit un paysage urbain aux allures de métropole américaine, une métropole entourée de vastes étendues où gisent les voitures ensablées de ceux qui ont voulu fuir.
Ce récit comment appeler ce texte ? ne contient pas de chapitres, les paragraphes passent dune situation à une autre par décrochage, sans apparent lien sauf à penser que cet éclatement est à limage de léclatement général : cest inconfortable, flou, inquiétant, aliénant. Tout est brouillé : les repères, les lieux, la temporalité. Le récit ne semble pas avancer, il piétine, la temporalité est indécise.
Et les phrases dElsa Boyer reflètent, dans leur simplicité, dans leurs rythmes monotones, dans la répétition des perturbations et des intrusions quelles décrivent, limpossibilité dagir du personnage aux perceptions défaillantes autant que le délitement de tout ce qui lentoure.
Xavier Briend ( Mis en ligne le 08/07/2013 ) Imprimer | | |