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Moi, Harold
Hubert Selby, Jr   Chanson de la neige silencieuse
L'Olivier 2014 /  13,90 € - 91.05 ffr. / 280 pages
ISBN : 978-2-8236-0524-2
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

Marc Gibot (Traducteur)
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On ne présente plus Hubert Selby Jr., auteur sulfureux et censuré dans plusieurs États américains et en Grande Bretagne dès la sortie de son premier roman Last exit to Brooklyn en 1964. Il y mettait en scène des ouvriers en grève et des personnages marginaux des bas quartiers de New York (prostituées, travestis, voyous) dans un univers de sexe, de drogue, de violence et de misère humaine. Les œuvres de cet écrivain maudit mais vénéré par toute une génération dépeignent sans concession, avec lucidité et sensibilité, l’Amérique du consumérisme et des laissés-pour-compte, ce qu’il a lui-même décrit comme «les horreurs d’une vie sans amour».

Chanson de la neige silencieuse, publié en 1988 en français et réédité cette année, est un recueil de quinze nouvelles écrites entre 1957 et 1981. Le personnage, de Harry (ou Harold), se promène de l’une à l’autre, comme dans toute l’œuvre de Selby Jr. Cet anti-héros, double tantôt sombre, tantôt lumineux de l’auteur, est pris dans la nasse des habitudes, des contraintes professionnelles, confronté aux affres de l’amour ou du destin, et souffre d’obsessions, de dépression ou d’addictions (l’alcoolisme). Harry est aussi notre double, trop humain, démultiplié et à tendance presque schizophrène : il devient tour à tour, employé(s) de bureau que l’on suit pendant ses loisirs de week-end («La Dernière séance», «Le Biscuit porte-bonheur» ou «Liebesnacht»), clochard ayant pour seul ami et confident un vieux manteau («Le Manteau»), père de famille coléreux («Un peu de respect») ou égoïste («L’Été de la Saint-Martin»), musicien ou enfin mari dépressif dans la dernière et très belle nouvelle qui donne son titre au recueil. Dans la nouvelle épistolaire «Je suis bien sage», une femme souffrant de troubles psychiatriques et enfermée dans un asile lance des appels désespérés.

Douze de ces récits de longueur diverses sont écrits à la troisième personne mais cette personne est, là encore, très proche de l’auteur… et de nous-mêmes. Car nous entrons de plain-pied et de manière très familière et quasi-immédiate dans l’esprit du personnage, à la manière d’un «courant de conscience». Le style d’Hubert Selby Jr. est à la fois très américain (il n’est pas sans rappeler John Fante ou Bukowski) et célinien dans la manière de fondre langue classique et transcription des argots new-yorkais. Mais il est surtout très original : d’un elliptisme qui confère souvent à l’universalisme, d’une spontanéité de dialogues fondus dans un paragraphe sans ponctuations qui donne au texte un sentiment de fluidité, de présence, presque d’urgence. La typographie est complice du récit et donne à chacune des nouvelles une apparence d’intensité, d’infinité ou de pure poésie, comme dans «La Puberté» :

«Des larmes jaillirent de ses yeux, et il eut l’impression que ses poumons et toute sa poitrine explosaient.
Etait-il assis ?
Debout ?
Allongé, anesthésié, attaché à une table et perdant peu à peu connaissance, un masque à gaz enserrant son visage, écoutant une psalmodie de paroles décisives.
assourdissante puis douce
assourdissante puis douce, lente, rapide, lente…
Les mots se mirent à tournoyer, et la psalmodie se changea en un gémissement continu
Les pôles s’inversèrent»


Les thèmes de ces nouvelles ne se résument finalement qu’à l’observation au scalpel de l’expérience humaine : à ses nombreuses fêlures et à ses petits bonheurs dans un style pétri d’images fulgurantes de désespoir, de déchirures mais aussi d’amour et de tendresse. «J’écris avant tout sur la solitude, dit Hubert Selby Jr. Tout le monde connaît ça : le désir d’être quelqu’un, le besoin de trouver quelque chose. L’addiction, la dégénérescence de l’être humain. Toutes les compensations que les gens trouvent à ce qu’ils estiment être des manques, ou des blessures dans leurs vies. La souffrance, subie ou infligée».

Le recueil se termine par une note d’espoir, de renaissance, une vision de bonheur purement humain à l’image de la nouvelle «Chanson de la neige silencieuse» :

«Il n’y aurait que lui et la neige douce et silencieuse… chaque flocon apporterait sa part de joie pendant qu’il continuerait à marcher, la neige douce et silencieuse tombant si paisiblement, si joyeusement…,
oh oui, et si amour-eu-se-ment
amour-eu-se-ment…
Il entendit la neige qui tombait doucement dans l’air, chaque flocon émettant un son différent… ils s’harmonisaient pour composer un chant…
Il n’y avait plus que la lumière et la musique et la joie pure, la joie pure et éternelle...
Mais alors, le chant de la neige silencieuse céda peu à peu la place à un autre bruit, vague tout d’abord, puis de plus en plus familier… le chant d’Alice et des enfants, et il revécut tous les instants de bonheur qu’ils avaient connus ensemble»
.

Hubert Selby Jr. s’est enfin apaisé.


Sylvie Koneski
( Mis en ligne le 07/07/2014 )
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