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''La famille n’existe pas''
Kaoutar Harchi   A l’origine notre père obscur
Actes Sud - Domaine français 2014 /  17.80 € - 116.59 ffr. / 164 pages
ISBN : 978-2-330-03596-9
FORMAT : 11,6 cm × 21,7 cm
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Cloîtrée avec «la Mère» – qu’elle ne parviendra jamais à désigner autrement que par ce déterminant indéfini – dans la «maison des délits du corps où l’on ne châtie ni ne violente, où on rééduque, jour après jour, au risque d’y passer des années, par la seule force de l’enfermement», la jeune narratrice vit parmi toutes celles qui, pour des raisons le plus souvent fantasmatiques, ont été mises à l’écart ou répudiées par les hommes – leurs époux, leurs frères ou leurs pères. Dans ce monde clos, règnent le désespoir et «le silence des cimetières». Terrorisée par cette figure maternelle perdue dans un incommensurable chagrin et incapable de prendre soin d’elle, l’enfant rêve de connaître, enfin, ce «père obscur» qui, jusque-là, s’est toujours dérobé. A la mort de sa mère, c’est donc à sa rencontre qu’elle part. Mais, lorsque celle-ci adviendra, ce sera une véritable «onde de choc»…

Spécialisée en socio-anthropologie, Kaoutar Harchi nous propose ici une autopsie de la névrose familiale, des interdits et des tabous sur lesquels elle se fonde, conduisant à l’aliénation du personnage, comme dépossédé de sa propre substance : «Moi qui l’ai si longtemps portée à bout de bras, partageant sa souffrance d’être privée de lui et, à travers lui, de sa vie d’épouse, je comprends maintenant à quel point agir ainsi – comme si j’étais la mère de la Mère – c’était, dans ma poitrine, remplacer mon cœur par le sien, emplir mes poumons de l’air qu’elle respirait et, durant toutes ces années, vivre sous anesthésie, insensible à ce que je touchais, à ce j’entendais, à ce que je voyais».

De chapitre en chapitre, au gré des citations de la Genèse à partir desquelles se sont élaborées des représentations aliénantes millénaires, A l’origine notre père obscur est une plongée au cœur des ténèbres, qui inverse tous les rôles : «Moi aussi j’ai perdu quelqu’un qui était un enfant. Même m’ayant donné la vie, la Mère était mon enfant. Et j’étais sa mère. C’est ça parfois l’amour. Ce trouble de l’ordre. De la hiérarchie. Et plus personne ne sait de qui il vient. Simplement nous savons de qui nous devons nous occuper».

«faire l’expérience bouleversante de l’amour» : c’est finalement en cela qu’il faut chercher le sens de ce récit cathartique et, finalement, lumineux. En pesant chaque mot pour dire à la fois le silence, les chuchotements ou les cris, les non-dits et les mensonges, l’auteur nous donne à lire l’histoire d’une émancipation et de la conquête d’une vie apaisée, affranchie de la peur des «bêtes de la nuit» : «Merci de m’avoir appris, en m’aimant de si loin, en m’aimant si peu, en m’aimant si mal, à devenir ma propre mère, à m’aimer moi-même». Le souffle, le rythme et la musicalité de l’écriture, qui peuvent faire songer à ceux d’une Assia Djebar, sont autant de réponses au néant de la parole verrouillée : «Si vous pouviez entendre la voix qui s’élève, les sanglots qui l’encombrent, le silence, aussi, qui vient, d’un coup, y mettre fin, ce silence qui me laisse penser que la Mère est morte ou peut-être est-ce moi, et plus tard, les lamentations, les exhortations, les hurlements des femmes en pleurs, qui reprennent, qui retentissent et que le bois de la porte amplifie tandis que je plaque la paume des mains sur mes oreilles».

Avec la naissance au monde, en tant que sujet libre, de ce je auquel on s’attache, c’est donc aussi à celle d’une voix singulière que l’on assiste, celle d’une femme écrivain talentueuse, qui croit profondément en la force du langage pour «renaître».


Sarah Devoucoux
( Mis en ligne le 27/10/2014 )
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