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D’une immensité l’autre
Sophie Caratini   Les Sept cercles - Une odyssée noire
Thierry Marchaisse Editions 2015 /  22 € - 144.1 ffr. / 392 pages
ISBN : 978-2-36280-054-2
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm
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Moussa Djibi Wagne naît sur les rives du fleuve Sénégal, à la frontière de la Mauritanie et du Sénégal, dans une société encore traditionnelle, conservatrice et strictement réglementée, où la parentèle, les liens générationnels et l’islam définissent un cadre net… Une société préservée que la colonisation vient peu à peu éroder et pervertir au nom de l’émancipation et du progrès. Car bientôt Moussa doit partir, pour gagner de l’argent, pour faire la guerre (ou au moins porter l’uniforme), pour faire vivre sa famille ou tout simplement pour obéir à un mauvais sort. Moussa, c’est l’homme aux semelles de vent, qui traverse l’Afrique d’Ouest en Est, une Afrique pastorale que les toubabs tentent de plier à leur vision du monde, une Afrique qui résiste néanmoins aux généralisations et aux clichés.

Devenu vieux et sage, Moussa a pris le temps de s’asseoir, et de recevoir une jeune chercheuse française, venue le questionner sur sa vie… Et le voilà, promu narrateur – ultime avatar ? - qui raconte une histoire époustouflante, marquée par les rencontres, la foi, la magie, le commerce et les idées bizarres des blancs. Dans un style à la fois sobre et poétique, qui parle à l’âme (il y a de sublimes réflexions sur la manière dont on initie un enfant à l’islam et comment on «apprend» la foi) autant qu’au cœur, Moussa, à la manière d’un conteur, entraîne son lecteur dans ses traces, celles d’un homme hanté par le voyage, habité par l’Afrique, et qui trouve finalement dans le sacré une manière d’abreuver sa soif d’infini et d’immensités.

Moussa Djibi Wagne, dit aussi al-Hadji Moussa, ou encore Moussa Sénégal, ou bien Moussa Mokhtar Amadou… Le héros du magnifique roman/récit/mémoire de Sophie Caratini a porté bien des noms, tous légitimes, et a vécu autant de vies. Presque un roman choral, donc, mais à la première personne. Rarement le sous-titre d’un ouvrage (Une odyssée noire) aura été autant approprié, tant l’histoire narrée par Moussa s’apparente aux errances d’Ulysse, évoquées par Homère… sans dieux ni créatures surnaturelles, mais avec un peu de magie et les desseins mystérieux des toubabs.

Parti de Sayé, un petit village sur la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, Moussa gagne Dakar, avant de traverser le désert malien, puis le Nigeria, le Cameroun, jusqu’à l’Arabie Saoudite et la Mecque. Et au long-cours de ses voyages, tel un ibn Battuta moderne, Moussa a vécu, aimé, parlé et écouté, il a observé les autres – Maures, Peuls, Bambara, Wolof, Toubabs, etc. – et appris leur langues et coutumes. En une vie, il a découvert à la fois ce qui constitue l’unité de l’Afrique, et ce qui en fait l’hétérogénéité.

Ses mémoires tracent un portrait du continent et de la colonisation, perçue par un homme à la fois simple et curieux, observateur subtil de ce qui l’entoure. On pourrait souligner la qualité de l’écriture, le sens de l’anecdote et du détail, la couleur et la chaleur du texte, et le plaisir surtout, l’immense plaisir qu’il y a à parcourir ce livre. On pourrait aussi remarquer la manière habile avec laquelle Moussa présente sa foi, un islam heureux, parfois un peu sentencieux, mais toujours ouvert à l’autre. On pourrait également évoquer la société rurale qui, au rythme des mots de Moussa, se dévoile au lecteur, fasciné par une vie autre que celle d’internet et de la consommation à outrance. On pourrait enfin mettre en lumière l’histoire d’un jeune homme engagé malgré lui dans l’armée française, et qui donne à voir, de l’intérieur, cette «force noire» tant vantée par le général Mangin. Il y a en effet tout cela, et bien d’autres choses dans ces mille-et-une vies de Moussa Wagne.

Alors, pour quiconque rêve d’étendues, d’immensités, d’Afrique et de voyage, ce livre assurera un vrai bonheur de lecture, à ranger dans le rayons des grands voyageurs et des grands récits d’anthropologie. Le texte est aussi riche que le personnage : on s’approprie aisément cette vie, cette histoire, on fait un moment corps avec ce personnage et cette vie dense vue à hauteur d’homme. Surtout, c’est l’occasion de découvrir une grande et belle plume, Sophie Caratini, qui sait donner à cette fresque saharienne la puissance d’une odyssée antique.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 06/02/2015 )
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