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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Cate Kennedy Nos contrées sauvages Actes Sud - Lettres des Antipodes 2015 / 23 € - 150.65 ffr. / 348 pages ISBN : 978-2-330-04873-0 FORMAT : 14,5 cm × 24,0 cm
Carine Chichereau (Traducteur) Imprimer
La bonne littérature féminine australienne nous arrive au gré de nouvelles traductions. Dans le cas de Cate Kennedy, la reine de la nouvelle dans son pays, ce premier roman sonne juste dans ses portraits et ses paysages ; lintérêt ne fait que grandir au fil des pages pour finir dans un suspens haletant.
Les personnages sont certes un peu caricaturaux : la mère, Sandy, hippie attardée vivant sous la dictature de lécologie, le père Rich, ancien baba cool devenu monteur de seconde zone pour la TV et photographe amateur, qui sest éclipsé après la naissance de Sophie, fille aujourd'hui néogothique et anorexique. Rich ne connaît pratiquement pas Sophie mais pour ses quinze ans lui propose un trek difficile en Tasmanie, une contrée restée sauvage et hostile à lHomme, au grand dam de Sandy très inquiète, car elle connaît le caractère atrabilaire de son ex.
Ces deux inconnus vont apprendre à sapprivoiser pendant le trajet malgré la forfanterie du père et lintolérance de ladolescente alors que la mère déboussolée sans sa fille part faire une cure «new age» pour retrouver sa déesse intérieure et un bon karma : «On a beau essayer de peser le moins possible sur la planète, de ne prendre que des photos, de ne laisser que des empreintes de pas, dacheter local, de réduire sa consommation, de réutiliser, recycler, au bout du compte, on en sort lessivé ; ça vous bouffe toute votre énergie» (p.152).
En se plongeant alternativement dans la tête de ses trois personnages, Cate Kennedy revisite leurs passés et souligne leur lâcheté ainsi que leur égoïsme. Les deux adultes sont pitoyables dans leur faiblesse. Ils ont accompli un coup déclat dans leur jeunesse, en organisant un blocus pour préserver la rivière Franklin ; ils ont réussi et le sujet revient à maintes reprises dans leur conversation. Pourtant, depuis, ils végètent, lui dans sa cabine de montage et avec ses photos ratées, elle en vendant des bijoux fantaisie quelle a fabriqués.
Seule Sophie a le courage de ses idées, heureuse à lidée de connaître enfin ce père que sa mère dénigre en permanence. Mais la randonnée tourne mal et les deux voyageurs ne sont pas au rendez-vous fixé à laéroport par la mère. «Rich frissonne et enfile les bretelles de son sac à dos en désordre, il ne peut adopter lidée que même si par miracle, il arrive à se repérer, ils ne seront pas à temps à Narcissus, que alors tout ira de travers, le ferry, le car, la navette lavion, tous partiront sans eux» (p.250). Rich a-t-il vu un tigre de Tasmanie et fait la photo de sa vie - lanimal a officiellement disparu depuis les années trente - ou nest-ce quun chien sauvage comme le pense Sophie ?...
La description de la Tasmanie fait rêver, paysages sublimes remarquablement évoqués, et garde son aura de mystère et de danger. Un premier roman abouti : Cate Kennedy a létoffe dune grande conteuse, elle ne pardonne rien, oscillant entre comédie de murs et drame avec maestria. Nos contrées sauvages sera prochainement adapté au cinéma.
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 23/10/2015 ) Imprimer | | |
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