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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Alberto Vigevani Un monde sans faille Liana Levi - Piccolo 2016 / 7,50 € - 49.13 ffr. / 123 pages ISBN : 978-2-86746-830-8 FORMAT : 12,2 cm × 18,0 cm
Claude Bonnafont (Traducteur) Imprimer
Un chef-duvre (court, 123 pages) dun auteur italien (1918-1999) exceptionnel, dans la lignée dItalo Svevo et La Conscience de Zeno : même talent de conteur, même humour juif/italien empreint dautodérision délicate. Une véritable dentelle littéraire.
Le narrateur revisite sa jeunesse à Milan pendant lentre-deux-guerres, dans une famille juive bourgeoise et discrète qui fréquente la bonne société. Fou de tendresse envers son père avocat, il nous trace le portrait de deux de ses amis, deux hommes très différents. Il écrit une lettre posthume à Monsieur Alzherian, financier international, monsieur très distingué et effacé, aux traits levantins du séfarade. «En effet, par respect pour votre foi, vous avez légué une grande partie des biens qui vous appartenaient des immeubles de prestige situés dans des quartiers résidentiels de Berlin à la communauté israélite de Berlin. (
) La communauté ne put encaisser que deux ou trois semestres de loyers» (p.9).
Le narrateur a besoin décrire sur ses souvenirs pour se rappeler cette période dorée au début, plus triste ensuite, et apaiser sa réflexion sur la mortalité de lâme, une marotte qui langoisse. Cette orthodoxie rigoureuse reflète lallure très aristocratique mais sans faste inutile de Monsieur Alzherian qui a joué un grand rôle dans lépanouissement de la personnalité du narrateur ; de sa plume et des souvenirs, il reconstruit ce personnage représentant pour lui une fenêtre ouverte sur le monde de lopulence orientale, un souffle cosmopolite sur sa famille provinciale un peu trop rangée. Adulte, il revoit ce visage aimé et y décèle la peur des événements à venir... que seuls les grands pressentaient.
Le deuxième ami est à lopposé du premier. Goy, ami remuant du père pacifiste, le commendatore Attila Sironi est chef dentreprise, autodidacte ayant réussi, très volubile. Lenfant accompagne son père, avocat de lentreprise, dans ses rendez-vous à lusine, dans le bureau dAttila, somptueux et ostentatoire, à lallure seigneuriale et puissante, toute la mesure du «patron». Laccueil de lenfant est une véritable cérémonie théâtrale, avec une série de félicitations qui ravissent le jeune narrateur. Mais pendant la guerre, Attila Sironi prend la mauvaise direction, affidé aux fascistes, insensible aux problèmes des Juifs. «En juillet 38 (
) les quotidiens annoncent (
) quun symposium de savants avait déclaré que les juifs étaient un corps étranger à la communauté nationale. En somme, ils furent éliminés de la vie publique» (p.109). Le commendatore senrichit grâce aux commandes de larmée. Le narrateur comprend quil était loin du héros quil représentait dans son enfance.
Un monde sans faille fait aussi penser au Jardin des Finzi-Contini de Georgio Bassani, qui met en lumière les difficultés et la tragédie des familles juives italiennes pendant la Seconde Guerre mondiale. Leur sort fut aussi dramatique que celui des familles allemandes et autrichiennes.
Un roman à lire dun trait, puis à relire pour simprégner de la langue poétique de lauteur.
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 11/05/2016 ) Imprimer | | |
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