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Songe d’un hiver 42
Frédéric Verger   Les Rêveuses
Gallimard - Folio 2019 /  8,40 € - 55.02 ffr. / 512 pages
ISBN : 978-2-07-282468-5
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Première publication en août 2017 (Gallimard - Blanche)
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Frédéric Verger dit en prologue avoir emprunté le titre de son deuxième roman aux «moniales de la forêt d’Ourthières, fortes dormeuses dont on venait écouter le ramage des rêves». Le pays de Bray, forestier et vallonné, célèbre pour ses couvents, et leurs nonnes-oracles dont on retranscrivait les rêves, inspire l’auteur qui tisse une histoire d’amour tragique et fantasque sur fond de guerre.

Juin 40 : Peter Siderman, jeune Allemand élevé en France, engagé dans l’armée française, fuit les troupes hitlériennes d’occupation. Il usurpe l’identité d’un mort, Alexandre d’Anderlange, puis est arrêté et enfermé dans un camp de prisonniers. Jusqu’au jour où on lui accorde la liberté pour revoir sa mère mourante.

Ce «retour» en Lorraine annexée par le Reich introduit Peter dans la famille d’Anderlange, branche cadette désargentée de riches propriétaires terriens, les d’Etrigny. Une vieille Russe, belle-mère du défunt Alexandre, ses jeunes nièces, Hélène et Joséphine, dont la sauvagerie, l’insolence et la tendresse combleront la solitude de Peter, toutes acceptent de le reconnaître et de le recueillir : curiosité, bienveillance ou manigances dans l’espoir de possibles héritages pour cette famille survivant à grand-peine d’eau de vie et de kacha concoctées par le fidèle serviteur russe, Emmanuel ?

Comme pour son précédent ouvrage, Arden, Frédéric Verger livre un roman fleuve, non tant par sa longueur que par ses méandres poétiques et ses inventions de langage qui nous plongent dans cette atmosphère particulière aux privations, à la faim, au froid, aux manques, aux rêves déçus mais aussi à la fantaisie. Un hymne à cette nature revêche et magnifique du Nord, dans ce décor naturel si particulier de forêts, de vignobles et de tourbières. Mésaventures de Peter deux fois prisonnier des camps, quête amoureuse qui le conduit à pénétrer dans une forteresse en ruines reconvertie en couvent pour rencontrer la troisième cousine, Blanche, sorte d’Ophélie moderne. Un roman fluvial porté par la Moselle et ses affluents qui influent sur le destin des personnages, et dont l’élément liquide est porteur de rêves et de mort.

Car les «Rêveuses» sont aussi les cousines qui aspirent à une vie meilleure. Elles s’apprêtent pour sortir, revêtues de leur seule robe noire, et faire bonne impression aux quelques jeunes gens célibataires et encore nantis des environs. Des scènes que l’auteur nous décrit avec une dérision grandiose et déchirante : «Elles descendaient se maquiller, poudre rose sur les joues, lèvres peintes en brun chocolat pour Joséphine, Hélène se contentant de mascara sur les cils et de poudre blanche sur le visage qu’elle répandait faute de mieux avec le blaireau du défunt Alex, de telle sorte qu’on croyait voir de la neige saupoudrée sur les petites boules noires accrochées aux cils qui, lorsqu’elles se détachaient, dessinaient sur sa joue la trace d’une larme noire ou, sur le plancher, la trace d’un insecte mort… Sentant l’âcre, fardées, luisantes, on aurait dit les fantômes de danseuses mortes dans l’incendie d’un bal».

Le merveilleux côtoie parfois le ridicule dans le personnage du commandant allemand, chargé de ce territoire, qui autorisera Peter à y séjourner. Cette force de la nature, géant devenu obèse, et souffrant de la goutte, est obsédé, lui aussi, par un songe, un souvenir : celui d’un paysage et d’un vin à saveur d’encens bu autrefois et pour lequel il passe tout son temps à tenter d’en retrouver le goût : «Il voit une rivière bleue, des collines escarpées toutes couvertes de vignes et de bois… Et il éprouve une émotion fabuleuse, un sentiment de bonheur, d’exaltation inexplicable… Sur le balcon il y avait une petite table, une assiette, un verre et une bouteille de vin ouverte et sans étiquette… Et là, à boire ce vin, il aurait éprouvé une émotion indescriptible, plus forte encore que l’autre, une vraie transe…».

L’auteur, par petites touches, transmet de délicates descriptions et sensations de la nature : le plumage taché de sang des perdrix abattues, les marrons craquants dans le feu, la lumière changeante des sous bois, les cieux étoilés, la profusion de fleurs fraiches ou fanées. Tout se conjugue pour créer une atmosphère onirique. Ce roman aborde aussi le désir de devenir l’autre, d’endosser une identité imaginaire, de se rêver une autre vie, de jouer un rôle, au risque parfois de frôler la folie. Après avoir lu le journal d’Alexandre, Peter se coule dans son personnage de fils prodigue, adopte l’attitude de séducteur du mort et reprend à son compte ses traits d’esprit.

Frédéric Verger offre un roman foisonnant, à la fois romantique et intimiste, aux personnages attachants et complexes, mus par leurs sentiments et emportés par le tourbillon de l’histoire, dans un lieu propice aux rêveries et à la mélancolie.


Sylvie Koneski
( Mis en ligne le 18/02/2019 )
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