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Dans la France de Roger Gicquel | | | Jean-Philippe Blondel La Grande escapade Gallimard - Folio 2021 / 7,50 € - 49.13 ffr. / 240 pages ISBN : 978-2-07-288869-4 FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm
Première publication en août 2019 (Buchet Chastel) Imprimer
Jean-Philippe Blondel est un auteur français que l'on aime, romancier pour de vrai, sans cosmétique autofictive (quoiqu'on puisse deviner dans ce roman quelques traces d'un vécu personnel). Avec La Grande escapade, il propose la chronique d'une France qui n'est plus : provinciale, sociologiquement celle des classes moyennes chéries par la croissance, une France très 30 Glorieuses, d'avant la crise, d'avant le multiculturalisme, la mondialisation et les casse-têtes post-coloniaux.
Une année, 1975, dans une ville quelque part dans le centre, trop loin de Paris pour en subir la gravité. Les personnages évoluent tous autour du groupe scolaire Denis Diderot, professeurs, parents et leurs enfants aux patronymes surannés, quelque part entre Sempé, Caro et Jeunet : les Lespinasse, les Coudrier, les Lorrain, les Ferrant, les Goubert. Chroniques donc, à suivre chacun dans ses hésitations, qu'il soit enfant ou adulte. Nous sommes dans une France inchangée, sise au seuil de grands bouleversements. Mai 68 est passé par-là, qui donne aux femmes des envies d'indépendance (Janick Lorrain rêve de devenir styliste et échapper à l'emprise de son époux Gérard, directeur de l'établissement scolaire, mâle conservateur, autoritaire et aventurier), aux professeurs des idées progressistes (Richard Florimont représente cette foi en des idéaux pédagogiques hérités de Célestin Freinet), à tous des rêves d'évasion, qui peuvent expliquer le titre, peut-être...
Jean-Philippe Blondel, qui pourrait bien être comme la version adulte du jeune Philippe Goubert sur qui débute et se termine le roman, aime ses personnages et les fait vivre à tour de rôle. Il s'en moque aussi, de cette France impeccable et sûre d'elle, ordonnée et donneuse de leçons, une France très bleu-blanc-rouge, aux frontières encore nettes, la France de Roger Gicquel en somme, blanche, propre sur elle, sympathique assurément, moderne à sa façon.
La construction du roman est habile et très maîtrisée, qui va et vient de l'un à l'autre, tissant des liens, en coupant d'autres. La plume est belle, juste, drôle. Le tout donne un souriant moment littéraire. On conseille vivement, surtout à ceux, aujourd'hui adultes, passés par ce ''moment'', ce sociotope.
Thomas Roman ( Mis en ligne le 08/03/2021 ) Imprimer
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