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Une réaction à La Réaction
Côme Martin-Karl   La Réaction
Gallimard - Blanche 2020 /  19 € - 124.45 ffr. / 211 pages
ISBN : 978-2-07-288384-2
FORMAT : 14,0 cm × 20,3 cm
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. «J’avais peur d’être devenu consensuel», lit-on sur le bandeau de La Réaction, le dernier roman de Côme Martin-Karl paru chez Gallimard. Il s’agit d’une brillante satire du milieu réactionnaire dont l’auteur peint les lieux de sociabilité, entre messe intégriste et réunion «contre la Grande Déliquescence» ; ça parle décadence en buvant un déca.

Le livre aurait pu s’appeler La Distinction si le titre n’était déjà pris par Bourdieu. Son héros pourrait dire avec Oscar Wilde qu’il vit dans la terreur de ne pas être incompris. Matthieu Richard veut être un «pestiféré sublime». Pour y parvenir, il choisit la voie de la malédiction : il est de droite. Sous les pseudonymes évocateurs de Bearnais2souche ou de Gaystapo, il pourrit les sections commentaires des médias et des réseaux sociaux. Ces comptes qu’il «anime» sont autant d’identités fictives, pour ne pas dire : de personnages, et on en vient à souhaiter que la «fachosphère» ne soit qu’un vaste jeu de rôle, qu’un vase d’expansion de la fiction.

Le héros professe son «goût des ruines» et pose au dandy romantique. Est-ce pour se singulariser davantage qu’il multiplie les appartenances conflictuelles, arguant par exemple que l’homosexualité est une des zones à défendre de la culture occidentale ? Entre toutes les chapelles de l’extrême droite, il choisit la plus marginale : le «Renouveau Réactionnaire», dans le but de coucher avec Enguerrand… nom de guerre de Khalid. Lorsque le mouvement voit affluer les adhérents suite au «martyr» d’un militant à la «marche contre les libertés», Matthieu ne rêve plus que de saborder le mouvement pour retrouver sa singularité perdue. Avec Khalid, il va à Lourdes saccager une boutique de souvenirs pieux, dénonçant par ce geste le catholicisme «guimauve» et le consumérisme imbécile.

Voilà une fin qui aurait plu à Huysmans ! La Réaction serait-il un roman décadent ? On pourrait le croire lorsqu’on lit : «Il régnait à cette époque une sorte de pessimisme de début de millénaire qui faisait écho au pessimisme fin de siècle». Cependant, ses personnages ne se complaisent pas dans leur décomposition (réelle ou fantasmée) : ils entendent réagir. Roman engagé alors ? Pas vraiment, bien que son titre semble plutôt rhématique que thématique : La Réaction passe en effet pour une réaction à la réaction, c’est en tout cas par là qu’il est recevable. Roman comique surtout (comme tout grand roman) ; la tension entre l’idéologie et les sentiments du héros fait que certains passages sont à pleurer de rire.

Par moments, on regrette un peu que l’auteur cède à la tentation de l’analyse, particulièrement vers la fin du livre, estimant par exemple que : «Les réactionnaires avaient aimé leur adolescence, c’est pourquoi ils étaient devenus réactionnaires». Dans notre ère du commentaire, n’est-ce pas un abaissement pour le romancier que de se faire commentateur ?

Le propre de la littérature est de se distancier du discours social. À cet égard, le grand mérite de La Réaction, c’est l’extrême anxiété discursive dont il témoigne. Côme Martin-Karl décrit habilement la circulation dans l’espace des discours d’expressions forgées dans les bas-fonds de la haine (par exemple : «musulmange-merde»), qui contribuent par ailleurs au réalisme du livre. L’usage des guillemets est à cet égard remarquable : on dirait qu’ils empêchent ces mots de se répandre en les entourant d’un cordon sanitaire. Enfin, on a plaisir à trouver des notations rhétoriques telles que : «Un mot quasi absent des dictionnaires était désormais dans toutes les bouches, le mot ‘‘résilience’’».

Après la littérature sociologique de Houellebecq, Ernaux et Édouard Louis, l’heure serait-elle venue pour une littérature rhétorique ? Que La Réaction suscite la question montre assez l’ampleur de sa réussite.


Alexandre Lansmans
( Mis en ligne le 23/03/2020 )
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