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Les portes du pénitencier | | | Pauline Claviere Laissez-nous la nuit
Grasset 2020 / 21,50 € - 140.83 ffr. / 616 pages
ISBN : 978-2-246-82212-7
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm
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La journaliste Pauline Clavière a le talent d’une vraie romancière, la preuve en est avec Laissez-nous la nuit. Le roman est divisé en quatre saisons et nous plonge dans les affres de l’univers carcéral et sa froide cruauté.
Un matin de printemps, Max Nedelec, quinquagénaire fringant et patron d’une imprimerie en difficulté, reçoit la visite de la police à son domicile. Il est question d’un bordereau perdu, de dettes à honorer, une fraude comptable qu’il croyait avoir réglée. A sa grande surprise, il est inculpé et doit subir vingt-quatre mois d’incarcération dans une prison de la région parisienne. C’est la descente aux enfers ; rien ne lui est épargné, les humiliations, la saleté et surtout la promiscuité, lui qui vivait dans une maison agréable avec un jardin et l’amour de son chien. Le bruit des grilles qui s’ouvrent et se ferment marquent le temps, la routine est invariable. Les détenus vivent à deux dans une cellule antédiluvienne de neuf mètres carrés, sans aucun confort. La seule consolation de Max vient de ses codétenus. Au début, il vit avec Ilan, alias Bambi, un jeune syrien qui sera broyé par la machine des caïds. Puis Marcos, le Portugais, capable de crises incontrôlables mais doté d'un bon cœur, et qui veille patiemment sur Max.
Bien sûr, les trois méchants, qui se font appeler «la bête», terrorisent les autres détenus, organisent un trafic de drogue et ne pensent qu’à tuer. La prison est un lieu qui rend fou et met à nu toutes les turpitudes humaines. Chaque pas hors de la cellule est une menace, une angoisse supplémentaire. Heureusement, Max peut compter sur le soutien de sa fille Melody qui vient souvent au parloir et fait le lien avec le monde extérieur. Max croyait faire un bref séjour entre ces murs... mais les saisons se suivent. Le plus grand danger est la promenade qui prend vite l’allure de jeux de massacres, surveillés nonchalamment par des gardiens indifférents.
«Je ne sais pas si ça compte d’avoir peur, d’avoir mal, d’avoir froid ou faim, de ressentir vraiment de l’injustice (…). L’injustice est un venin. Celui qui a vécu l’injustice est un stigmatisé. Tout en lui raconte l’humiliation. Ici les suicides, les lynchages, la mort en général sont une fatalité, une malchance, au pire, une maladresse». Pauline Clavière tient son sujet avec une grande maîtrise et décrit cet univers inversé avec ses propres lois, la privation de liberté avec tout ce qu’elle peut compter de frustration. Elle bouscule les représentations que l'on peut avoir sur un lieu méconnu, à travers l’histoire d’un citoyen lambda, broyé par un simulacre de justice. La prison devient un personnage à part entière où l’humain n’est plus maître, que ce soit le détenu ou le gardien obligé à des concessions pour garder son emploi ; ici, seules quelques figures, comme le Dr Françoise Rosier, le prêtre orthodoxe qui est là en punition, le surveillant Joël, adoucissent un peu le quotidien.
Un premier roman réussi, dense, qui propose une immersion psychologique vertigineuse dans l’univers carcéral, le temps de quatre saisons.
Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 26/06/2020 )
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