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La banalité du mal
Philippe Claudel   Fantaisie allemande
Stock - La Bleue 2020 /  18 € - 117.9 ffr. / 169 pages
ISBN : 978-2-234-09049-1
FORMAT : 12,5 cm × 18,6 cm
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Philippe Claudel cite en exergue de ce recueil de cinq nouvelles que des liens mystérieux réunissent, une phrase de Pierre Mac Orlan : «Il y a au-delà du Rhin un air de drame et de mélancolie. Toutes les choses ordinaires y prennent des lueurs de couchant». Le titre de chaque nouvelle est en allemand : «Ein Mann», «Sex und Linden», «Irma Greise», «Die kleine»...

Viktor («Ein Mann» / Un homme) fuit à travers bois à la fin de la guerre, au moment de la débâcle. Tout s’est effondré pour lui qui n’était rien et avait gagné grâce au nouvel ordre un statut et un respect jusque-là refusés. Il avait une fonction et un rang. Il appartenait à une hiérarchie. Est-il coupable d’avoir organisé des convois vers la mort ? Comment effacer les larmes et les cris des victimes ? Il faisait ce qui lui était commandé. Son crime ? L’obéissance. Il court avec une barre métallique comme protection... jusqu’à une usine électrique...

Dans «Sex und Linden» (Sexe et tilleuls), de nos jours, un vieil homme soigné par une auxiliaire de vie très patiente lui raconte souvent le plus beau souvenir de sa vie, dont il n’a rien dit à son épouse ni à son fils, qu’il a prénommé Viktor. Pendant que sa sœur jouait du violon à un concert, il a rencontré une belle dame brune avec qui, à quinze ans, il a eu sa première expérience amoureuse. Elle murmurait ce prénom, Viktor, pendant leur étreinte après le concert. Il se souvient du parfum des tilleuls. Ce fut la fin de son enfance et son entrée dans la vie adulte...

Irma («Irma Greise»), dix-sept ans (nous sommes en 1993), n’est pas gâtée par la vie : une famille très pauvre qu’elle doit aider financièrement, une apparence disgracieuse... Elle trouve un emploi dans une maison de retraite où les vieux la dégoûtent. Elle ne supporte pas Viktor, le père du maire de son village, qu’elle doit nourrir et nettoyer. Il est très calme et passe son temps à fredonner les chants nazis de sa jeunesse. Elle le laissera mourir de faim. Le seul plaisir d'Irma est de se faire peloter par le cuisinier turc à la main baladeuse.

«Gnadentot» (Mort miséricordieuse) : Est-ce que le peintre Franz Marc, chef de file du mouvement «Der Blaue Reiter» (le cavalier bleu), est bien mort en 1916, après une blessure au crâne provoquée par un obus ; ou, comme le prétendent certaines sources, a-t-il fait en 1940 partie des victimes de l’Aktion T4, initiée par Hitler et qui consistait à euthanasier, par une mort vue comme miséricordieuse, les invalides et les malades mentaux considérés comme inutiles à la société, comme irrécupérables ? Il aurait passé toutes ces années dans un asile psychiatrique, catatonique, incapable de peindre... En effet Marc produisait de l’art dégénéré («entartete Kunst») selon les nazis qui brûlèrent une grande quantité de ces tableaux précieux ne correspondant pas à leur vison de l’art. On apprend que le père du médecin de Franz, Marc, était agent d’entretien dans cet asile, qu'il se prénommait Viktor et qu'il avait récupéré une grande quantité de dessins de l’artiste, que le psychiatre s’est empressé de confier à Maître Trajan chez Artcurial à Paris. En inventant cette histoire, Philippe Claudel met le doigt sur les crimes nazies dont faisait partie l’Aktion T4.

«Die kleine» (La petite) est cette petite fille juive qui a perdu sa famille, disparue dans une fosse commune. Elle était descendue du camion après la rafle, grâce à un soldat bienveillant nommé Viktor ; elle a été recueillie par une paysanne solitaire et taiseuse ; elle vécut là comme une sauvageonne, dans la campagne, mais aussi une usine électrique désaffectée où elle veille un cadavre carbonisé tenant une barre métallique...

Philippe Claudel souligne l'absurdité de l’Histoire et dit sa fascination pour l’Allemagne et son histoire, sa littérature, les arts et les gens, sans oublier les horreurs du nazisme. «La culpabilité n’est pas dans le sens moral mais à lire comme le résultat d’une décantation que le présent opère par rapport au passé et sur laquelle l’Histoire assied ses fondements et sa doxa».

La mémoire, individuelle ou collective, pèse d’un poids douloureux, parfois insoutenable. Il est évident que la terme «fantaisie» appartient ici au vocabulaire musical. Ce recueil sert de miroir à l'Allemagne dans sa contradiction et sa diversité.


Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 19/10/2020 )
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