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Un nazisme entêtant
Chris Kraus   Baiser ou faire des films
Belfond 2021 /  22,50 € - 147.38 ffr. / 327 pages
ISBN : 14,2 cm × 22,6 cm
FORMAT : 14,2 cm × 22,6 cm

Rose Labourie (Traducteur)
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Jonas Rosen est allemand, étudiant en cinéma, un étudiant motivé qui a choisi, parmi d’autres cours, un cours dispensé par le très fantasque Lila von Dornbusch, et sobrement intitulé «Baiser ou faire du cinéma». Le projet du cours est simple : réaliser des films sur le sexe, tournés à New York. Pour cela, Jonas a été missionné par ses condisciples et son professeur pour préparer le terrain avant l’arrivée du groupe, trouver des locaux et organiser le travail de chacun.

Jonas débarque donc à New York, logé chez un autre professeur de cinéma aussi surréaliste que le sien, Jeremiah. Ce dernier, ancien pilier du milieu underground et de la contre culture, végète désormais, en voie de clochardisation dans un appartement devenu dépotoir, entouré de ses chats, de ses ordures et de ses rêves envolés. L’arrivée du beau Jonas pourrait certes le titiller, mais malheureusement, Jonas est hétéro, plus ou moins fidèle à son amie berlinoise, Mah, et guère sensible à la logorrhée de son hôte. Disons que le voyage a mal commencé, et que l’accueil du Goethe institut n’est pas forcément des plus enthousiastes. Disons aussi que Jonas Rosen est modérément inspiré par le projet de film, et disons surtout que Jonas commence à percevoir la vie différemment.

Car à New York, il fait la connaissance de sa «tante Paula», vieille artiste richissime proche de sa famille, une vieille dame juive dont les souvenirs de guerre le renvoient à la vraie histoire familiale, celle d’un grand-père qui fut un SS de haut grade… Le moment de remettre en cause toute une belle mythologie familiale, centrée sur le grand-père en patriarche aimant et solide. Il est temps que Jonas fasse sa crise d’adolescence…

Après avoir livré, en 2019, un roman exceptionnel (La Fabrique des salauds) consacré à un nazi dilettante aspiré par les drames du XXe siècle, Chris Kraus reviens avec un roman proche, qui interroge de nouveau le passé nazi de l’Allemagne. Le biais cette fois n’est plus d’observer le parcours d’une famille traversée par le nazisme, mais de se concentrer sur le débat entre deux générations, celle des bourreaux et celle des petits enfants, autour de la question simple : que faisais-tu pendant la guerre ? La question, cette fois, est celle de la mémoire, de la manière dont on la maquille comme une voiture volée, et aussi de la violence avec laquelle elle peut se manifester.

Le roman est fort, car tout en suivant un étudiant allemand dans un voyage improbable, croisant des personnalités tout autant improbables et se retrouvant dans des situations hautement comiques, il pose des questions graves, sur le sentiment familial, ce que l’on porte en soi de ses aïeux, et ce que l’on veut en faire. A New York, Jonas est plus que jamais Allemand, et même un Allemand stéréotypé, étiqueté, confronté à une histoire personnelle et familiale lourde, un Allemand qui découvre, presque par hasard, qu’il porte sur son dos le poids immense de la Shoah.

Avec un mélange singulier et réussi de légèreté et de gravité, Chris Kraus réussit ce tour de force de nous faire sourire tout en nous ramenant, par moments, aux dures réalités. Un roman une fois de plus porté par une belle écriture, parfaitement traduite, et par un souffle qui est celui de l’histoire. Indispensable pour ceux qui ont apprécié le roman précédent, auquel il est un écho, et qui pose une question fondamentale de l’après guerre allemand.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 05/04/2021 )
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       de Chris Kraus
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