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Les condamnés à vie
Dominique Dubreuil   L'Absente
Stéphane Bachès 1999 /  18.32 € - 120 ffr. / 275 pages
ISBN : 2-9511985-6-6
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La grâce du prisonnier vient d'être rejetée. Auguste Dandrieu, avocat lyonnais, défenseur de l'anarchiste Santo Caserio, meurtrier du président de la République Sadi Carnot, est seul dans l'appartement, jusqu'à l'aube où il lui faudra aller assister à l'exécution. Commence alors une longue nuit d'attente et de réflexion sur la justice des hommes et l'injustice de la vie. Il vient en effet de perdre sa femme. Deux blessures pour un même combat perdu : celui de la vie.

Comment peut-on condamner un homme à mort alors que la vie se charge de nous enlever des êtres aimés ? Dans son chagrin et sa douleur, cet homme austère, raide comme la justice, se rappelle le temps où sa jeune femme était à ses côtés et cherche à comprendre celle qu'il n'a pas su voir. C'est elle, l'absente, Marie, l'adolescente solitaire, la peintre de talent, la jeune mariée et la mère de leurs sept enfants. Elle éclairait sa vie d'une "lumière qu'elle indiquait par signes", dans ses toiles, ses dessins, nuances des gris, des nuages, du frémissement des feuillages des marronniers. Qui est sa jeune femme ? Terre inconnue, insaisissable, fugitive, animale, en communion avec la nature... Elle passe sous une ombrelle, suit le vent, à la recherche d'un bleu, d'un lac, d'émotions artistiques. Elle se réfugie dans son atelier la tête dans le ciel, sous la pluie qui ruisselle sur les vitraux. Elle lui échappe, aérienne et extatique: Antigone ou la Violaine, de l'Annonce faite à Marie ? Une âme pure dans un temps où les femmes vont en villégiature dans des propriétés de Toscane et où, à heure fixe, sonne l'angélus et la cloche des repas, un temps où tout est rituel sacré.

Derrière cette figure lisse, Marie est-elle heureuse ? Elle ne s'ennuie pas, elle est seule, "lasse à en quitter la vie", atteinte d'un mal secret. Elle l'écrit sur ses carnets retrouvés. Sept enfants, un mari d'habitudes, caché derrière son rempart. L'avocat n'a pas la conscience tranquille. Il s'imagine face à un tribunal et s'accuse d'être coupable d'avoir gâché "le court bonheur d'ici bas" par sa froideur et sa brutalité... Terrible constat qui fait froid dans le dos. La vraie justice devrait être rendue au coeur même des drames familiaux. En voie de rédemption, le défenseur essaie de transmettre au condamné la lumière qui lui manque, ultime message de l'absente.

Dans ce roman dense et profond, d'une belle écriture classique, Dominique Dubreuil, historien et dramaturge, se joue à la manière d'un peintre, des ombres et des lumières, des pastels et des ocres, pour approcher le mystère de la création. On songe à l'une des plus belles pages de Bernanos, dans le Journal d'un curé de campagne : "merveille de pouvoir donner ce que soi-même on ne possède pas, ô miracle de nos mains vides". "Le monde, autour d'elle, ne consent à se révéler que si on accepte qu'il se refuse d'abord". Alchimie des sentiments, paradoxe d'une vérité qui ne se découvre que tardivement.

L'auteur nous offre un portrait de femme de ce XIXè siècle moral, étriqué, femmes victimes d'une société qui les bride, condamnées à la mélancolie, à ne produire, comme disait Barthes "que de l'ennui, entre dentelles et piano", femmes livrées aux hommes. Marie est une espèce d'exception, une créature à demi charnelle qui s'accomplit entre l'art et la rêverie, comme exclue de la justice des hommes.


Emmanuelle de Boysson
( Mis en ligne le 16/06/2000 )
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