| François Dupeyron Jean qui dort Fayard 2002 / 12 € - 78.6 ffr. / 160 pages ISBN : 2213612366 Imprimer
Jean Puyssac, trente cinq ans, se réveille à trois heures du matin sur un lit dhôpital. Cest la première fois quil passe une nuit dans un tel établissement. Il a peur, il ne sait plus ce quil fait là, mais lhistoire des heures précédentes se reconstitue. Il est venu avec Monique, sa femme. Cest elle qui la forcé. Plus exactement, il na pas su refuser. La dépression lenferme depuis des mois. Les mauvaises récoltes, une vie si dure, si difficile, et Monique toujours là, à qui il n'a jamais pu donner de bonheur. Leur vie inconsistante. Quand Jean a épousé Monique, il a épousé quelques hectares de terre. La vie à la ferme, il pensait que cétait la vie qui lui convenait même si ce nétait pas la ferme de son père. Et puis lui, il ne sombrerait jamais dans lalcool. Pour ses deux garçons surtout. Alors, rongé par cette vie dure, par Monique et son indifférence, par sa belle-mère cruelle "qui entame sa confiance chaque jour, comme un poison", Jean a accepté dentrer à lhôpital, pour essayer de retrouver le sommeil, pour essayer de se retrouver lui-même.
Ceux qui ont vu Cest quoi la vie ?, le film de François Dupeyron, sorti en salles en 1999, reconnaîtront en Jean qui dort une déclinaison littéraire de ce drame agricole. Même milieu socio-professionnel, même dureté, même difficulté de la parole, même présence du désespoir, du suicide. Mais les couleurs de ce roman sont tout autres : les mordorés sont remplacés par la pâleur de lunivers hospitalier, le plateau ardéchois troqué pour une campagne incertaine, moins attirante qu'un causse exalté. La narration est tenue hors de tout repère temporel ou géographique. Lintrigue est ténue, si ténue. Pourtant, Jean qui dort marque le lecteur dès les premières pages.
Le premier roman de François Dupeyron, également réalisateur de Drôle dendroit pour une rencontre et de La Chambre des officiers, est une réussite. Il est bon dailleurs de ne pas trop sattarder sur lhistoire de Jean qui dort, parce que lhistoire est triste, alors que le roman ne lest pas. Ce qui saisit le lecteur à mesure quil tourne les pages, cest une incroyable impression de douceur, venue de la narration à la troisième personne qui entraîne, par on ne sait quel tour de force, dans lesprit tourmenté dun "je". Le choix de limparfait, si lon excepte le dernier quart du livre où le héros vit à nouveau au présent, ajoute aussi à cette linéarité apaisante. Les dialogues sont omniprésents, le style est simple, simplissime même, mais toujours bien vu comme la description des torpeurs du sommeil forcé, poignante, obsédante... Une histoire qui nous touche au plus profond de lâme.
Florence Puech ( Mis en ligne le 19/04/2002 ) Imprimer | | |