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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Nicolas d' Estienne d'Orves Fin de race Flammarion 2002 / 18 € - 117.9 ffr. / 322 pages ISBN : 2-08-068315-2 Imprimer
Doù vient la force inquiétante qui habite chacune des pages de ce livre ? De celui qui le raconte, probablement : un enfant. Cet angle de narration, loin dêtre anodin, autorise lauteur à épanouir un style épuré, élégant de simplicité, sans fioritures parasites. Il lui permet surtout de faire éclater avec plus de violence lamoralité de ce conte cruel qui commence à Paris, au début de loccupation.
Le prélude échappe seul au regard de lenfant et met en scène ses parents : Rosa et Simon Crémieux, dorigine juive, tous deux célèbres chanteurs dopéras, terrifiés davoir envoyé leur fils Nathaël dans un pensionnat, à labri de la persécution nazie. Lauteur, à travers lébahissement du jeune garçon, nous emmène dans ce sanctuaire baroque dont le nom ronflant, Notre Dame de Valjanceuze, ainsi que les impressionnantes forêts suggèrent à la fois lunivers de Tolkien, les légendes et la forteresse de Kaltenborn dans Le roi des Aulnes - lequel fait sourdre en filigrane ses ombres et ses jeux de massacres.
Le domaine de Valjanceuze est une cathédrale autarcique, sur laquelle règne un patriarche taillé dans le granit : Déodat de Villenègre. Du haut de ses deux mètres, ce dernier prend le nouveau venu sous sa protection et lui donne une autre identité. Tout en se pliant aux contraintes de la vie en communauté, Nathaël découvre des émotions qui ne sont pas sans rappeler celles que Roger Peyrefitte illustra dans Les Amitiés particulières. Ainsi fait-il la connaissance du mystérieux Artus, considéré par tous comme un paria. Grâce à lui, Nathaël connaît des moments de franche complicité et apprend lhistoire de Valjanceuze. Car le domaine et ses habitants ne sont que les symptômes de cette histoire béante et complexe, où cauchemar et réalité sentremêlent autour de la famille de Villenègre. Cette aristocratique lignée savère incestueuse, pathologique et perverse. Cest tout un monde empaillé qui, à mesure que lon en découvre les significations étymologiques et les engrenures secrètes, pourrit derrière laustérité de rituels vidés de leur sens.
La prédestination des êtres, leur duplicité et lenfermement sémantique dans lequel ils croupissent vont faire basculer Valjanceuze dans une démence que larrivée des Allemands portera au paroxysme. Lhistoire tragique des Villenègre se perdra dans lidéologie nazie, accomplissant par là le nihilisme qui parasitait depuis longtemps déjà leur arbre généalogique...
Avec ce roman lunaire, Nicolas dEstiennes dOrves confirme quil est avant tout un conteur dhistoires dune redoutable efficacité.
Bertrand de Sainte Marie ( Mis en ligne le 27/10/2002 ) Imprimer | | |
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