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Littérature -> Romans & Nouvelles |
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Chassés croisés amoureux et ambitions contrariées dans l’Amérique de la Belle Epoque | | | Edith Wharton Les entremetteurs et autres nouvelles La Découverte - Culte fictions 2004 / 9 € - 58.95 ffr. / 210 pages ISBN : 2-7071-4346-4 FORMAT : 13x19 cm Imprimer
Cest une bien belle idée quont eue Jean-Claude Zylberstein et les éditions La Découverte que cette collection «culte fictions» qui nous permet daccéder enfin en Français à un certain nombre de textes inédits de grands auteurs anglo-saxons. Ainsi de ces nouvelles regroupées sous le titre de la première dentre elles, Les Entremetteurs, écrites par la plus francophile des américaines, la disciple, amie et confidente dHenry James, Edith Wharton (1862-1937).
Les huit nouvelles, précédées dune présentation de Claire Du Parc et Aude de Mézerac, dépeignent avec distance et légèreté un monde quEdith Wharton connaît et comprend parfaitement : celui de la bonne société de la côte Est des Etats-Unis, celle qui, à la Belle Epoque, passe lhiver à New-York et se précipite à Newport pour les beaux jours. On sy plonge avec énormément de plaisir et chacune des nouvelles nous révèlent lun des versants de ce microcosme américain.
Comme chez la britannique Jane Austen, largent est ce héros cruel qui trop souvent mène la danse, contrarie les idylles et détermine les comportements des différents personnages : largent des nouveaux riches comme les Bixby, largent qui manque aux jeunes gens bien nés comme Frederick Tilney et Belle Grantham, et les conduit à exercer la fonction ingrate dentremetteurs qui contrarie tant leur délicatesse. Avec beaucoup de talent et une plume teintée dune ironie pleine de légèreté, lauteur montre à quel point largent dirige cette société américaine entre deux siècles et à quel point il le corrompt : cest lui qui voue à léchec des relations conjugales stériles, à tous les sens du terme, qui transforme le mariage en un objet déchange où les uns sauvent les autres de la ruine en échange dune respectabilité de façade («La vraie grossièreté nest pas de considérer le mariage comme un arrangement matériel, mais de prétendre quil nen est pas un», résume Tilney), qui transforme la charité en un rituel social vide de sens. Comment en sortir alors ? Les sentiments pèsent souvent de peu de poids face aux contingences matérielles. Certaines des héroïnes, comme lauteur elle-même, voient dans lécriture une échappatoire. Et cest avec une grande finesse quEdith Warthon dépeint alors les espoirs et les illusions de ces jeunes écrivains, lunivers souvent peu recommandable des maisons dédition et des cercles artistiques et universitaires, le snobisme dun public qui senflamme pour les uvres à la mode quelle que soit leur qualité. Que de vanités dans ce microcosme et que de délicatesse dans la manière de nous y introduire ! Le ton est ironique mais les situations le sont souvent tout autant : ainsi, dans La Descendance de lhomme et La Guérison, lapparent succès de lartiste et du scientifique sont en réalité des échecs imputables au défaut de jugement du public. Et ce sont souvent les mauvais sentiments bien davantage que les bons qui rapprochent les êtres : dans La mission de Jane, le couple se ressoude autour du désir de se débarrasser de sa fille adoptive. Les monologues intérieurs sont nombreux et ne vont pas sans faire échos à ceux du maître, Henry James, mais pour le surpasser quand il sagit de saisir les méandres de lâme féminine.
Deux nouvelles évoquent la Grande Guerre : Les réfugiés et LArt décrire un récit de guerre. Edith Wharton se trouvait en France quand les hostilités commencèrent et, dans ses actions pour soulager les victimes de linvasion germanique, elle fut amenée à côtoyer les dames patronnesses des «escadrons de bienfaisance» qui «amplifiaient avec application et par tous les moyens dont dispose la philanthropie, la détresse et le désarroi de leurs victimes». Il y a à la fois une grande part autobiographique et beaucoup de distance dans ces nouvelles, ce qui leur donne, tout comme à celles de «Vieux New York», un charme incomparable.
Claire Laux ( Mis en ligne le 18/06/2004 ) Imprimer
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