| Gilles Veber Gauthier Flammarion 2004 / 16 € - 104.8 ffr. / 199 pages ISBN : 2080686712 FORMAT : 14x21 cm Imprimer
Coup denvoi réussi. Avec ce Gauthier plein de charme, Gilles Veber, scénariste et réalisateur, signe un premier roman annonciateur, espérons-le, dune belle carrière littéraire. Un ton personnel tantôt cynique, tantôt moqueur, toujours empreint dun humour tendre -, un style fluide et soigné et un sujet à la fois original et très universel.
Gauthier, cest le jumeau idéal, lalter égo magnifique, cet être autre quon déteste parce quon voudrait être lui, et revêtir un jour, fût-ce au prix dun deal tout faustien, ses habits dexcellence : charisme naturel, optimisme ravageur, immédiatement sympathique, Gauthier est de ces fils des dieux, à qui tout semble sourire. Qui na pas, dans la galerie de personnages constituant le roman de sa vie, un Gauthier, super héros, wonderboy par excellence ?...
A côté de pareille luminescence, on réalise hélas un peu mieux sa propre ternissure. Brice, narrateur, à côté du bellâtre, est au jour ce quest la nuit, au soleil daoût, les brumes de novembre : un anti-héros qui se morfond dans la médiocrité de son quotidien. Contraste : «Mon paillasson est juxtaposé au sien. On dirait un pays pauvre et un pays riche trop prés lun de lautre. Je suis le Mexique, cest lAmérique. Gauthier, le rêve américain.» (p.9) «Les lois de mon existence ont décrété le bonheur illégal. Je serai toujours lotage de mes peurs et le voisin de quelquun de brillant» (p.149), lit-on encore. Le roman est saturé de ces constats désabusés
Désabusés mais séduisants aussi car on ne sattache pas forcément à une perfection disneyenne. Ne préfère-t-on pas plutôt les gueules cassées, les pelés, les galeux, aux beautés lisses, souvent décors à la Potemkine, cache-misère ?
Gauthier nous rappelle cette leçon, dans un récit en forme de chiasme : Brice se terre dans son appartement quand Gauthier parcourt le monde. Et, alors que le brio de lun sérode, lautre finit par gagner en confiance, enfin libéré du voisin solaire. On comprend que les deux sont complémentaires, que lun ne vas pas sans lautre : Gauthier/assurance et Brice/dépit ne sont que les deux versants dun même soi.
Un roman à découvrir donc, pour le ton et lhumour, comme la beauté dun texte ponctué daphorismes personnels, jamais lourds : «Le sexe est un endroit où la lumière ne rentre pas» (p.21), «La vie est un bon sujet mal écrit.» (p.171) , etc. Un humour noir pour rappeler que la vie, vraie chiure, est aussi inestimable.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 30/08/2004 ) Imprimer
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