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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Lorenzo Silva Le Chagrin du bolchevik JC Lattès 2004 / 17 € - 111.35 ffr. / 192 pages ISBN : 2709624370 FORMAT : 14 x 22,5 cm Imprimer
Bolchevik, le héros de ce livre ? Il serait bien le premier à être cadre dans une banque. Quant au désespoir qui lhabite, il le rapproche davantage des dépressifs quaffectionnent Beigbeder ou (comparaison toutefois trop flatteuse) Easton Ellis que des personnages de Zola, car cest bien ici de misère psychologique quil sagit. Le chagrin bolchevique est en effet un mal bien précis aux yeux du narrateur. De ce tourment, nous dirons seulement quil renvoie à la tentation davilissement de la beauté, de la distinction, de linnocence. Une tentation longtemps dormante chez le narrateur et qui, par une occasion fortuite, va se manifester dans toute sa force.
A Madrid, par un début de semaine cafardeux, notre anti-héros pris dans un embouteillage emboutit par mégarde la voiture dune femme. Le constat est houleux et le narrateur quitte les lieux avec un sentiment dhumiliation et, oubli providentiel, les coordonnées de la harpie. Désireux de se venger, il lépie et découvre sa jeune sur, encore collégienne, ravissante, et qui provoque chez lui une foule de sentiments ambivalents. Ici, lauteur lâche à dessein les indices les plus contradictoires. Cette rencontre sera-t-elle loccasion rêvée de la vengeance que le héros sétait promise ? Sera-t-elle linstant clé où cette amertume accumulée année après année (dans le travail, les rapports humains, envers les femmes) trouvera enfin le moyen de sassouvir, ou va-t-elle au contraire savérer rédemptrice ?
Tout lintérêt de ce roman réside dans ce thème singulier du chagrin du bolchevik et dans le traitement peu banal de la notion du mal que propose Lorenzo Silva. Mais celui-ci a privilégié le choix du suspense et de lintrigue de surface, enchaînant vivement les événements, sacrifiant la radiographie nuancée de lâme de son héros à la phrase qui fait mouche et semployant à ménager le mystère. On lui en saura gré, mais tout cela se fait au détriment de ce qui lui aurait permis de rejoindre Easton Ellis et autres Joyce Carol Oates au nombre des grands peintres de labjection. Pour quun héros méprisable donne lieu à un roman qui fasse date, encore faut-il que cette abjection soit décrite avec suffisamment de minutie, et quon ait le sentiment davoir appris quelque chose sur le mal en question, davoir été effleuré de son souffle. Les lecteurs en quête dune lecture distrayante avec héros désabusé et suspense bien mené ne seront pas déçus. Cest le chagrin du lecteur qui attend ceux avides de grande littérature.
Elise Goldberg ( Mis en ligne le 29/11/2004 ) Imprimer | | |
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