| Cécile Wajsbrot Mémorial Zulma 2005 / 16 € - 104.8 ffr. / 173 pages ISBN : 2-84304-335-2 FORMAT : 14 x 21 cm Imprimer
Elle cherche loubli et la paix dans lécorchement au réel, se frotter au lieu pour exorciser tout un passé fantôme, le sien, celui des proches et dune humanité entière. Elle prend le train pour la Pologne et ses camps. Elle franchit les frontières comme on traverserait les fleuves mauvais : le Styx, le Léthé, lAchéron la mort, loubli, le malheur
La France est un refuge où elle na pas ses racines, la Pologne un bercail où elle na jamais vécu, sa nation, tombeau des siens, dans les camps, Oswiecim/Auschwitz et dautres, et ses rivières où, rituellement, et encore dans le secret opaque de lHistoire, on exécutait les survivants
Elle veut voir pour oublier, revenir à la terre pour expédier le passé, sen défaire. «Mais il y a le sens, ne pas se retourner, ne pas regarder en arrière, se rendre volontairement aveugle au passé pour pouvoir avancer, continuer pouvoir vivre.» (p.45). Pèlerinage/paradoxe
Retour vers le futur en piétinant le passé, foulant la terre mangeuse du sang familial, leurs cendres : «
moi qui, pour le moment, noubliais rien, qui me sentais condamnée à la mémoire, à léternel souvenir, comme si le seul temps que je savais utiliser était le passé sous toutes ses formes.» (p.107)
Le périple nest pas aisé, douloureusement identitaire. De la gare où elle observe les voyageurs, à la destination finale, elle ressasse le rapport à lHistoire, celui à sa famille, à cette Pologne fantasmée
Autant de boulets qui retiennent sa marche. Est-ce dailleurs la bonne façon de faire ?... Car ce récit obsessionnel semble réveiller plus de fantômes quil nen chasse, focalisant lattention de la narratrice vers ce point mort historique : «LHistoire semblait sécrire en lettres minuscules, tant les majuscules dAuschwitz nous écrasaient, et barraient lhorizon, et celles dHiroshima» (p.98)
Oui mais attention au monopole compassionnel
Dautres charniers existent, témoignant que lHistoire poursuit son écriture, moins en majuscules quen gras et lettres de sang
En dautres lieux et dautres époques, aujourdhui, Clio poursuit sa valse avec la Faucheuse, toujours avec brio et un art ausi maléfique que consommé. Nest-ce pas ce que dit sans les mots cette voyageuse avec qui la narratrice dialogue difficilement, cette jeune femme qui habite Oswiecim, Auschwitz sorti des livres dhistoire et des drames passés, ville contemporaine et vivante, avec ses habitants, ses commerces, sa vie
Car partout et de tous temps, Auschwitz reste daujourdhui.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 28/11/2005 ) Imprimer | | |