| Olivier Bordaçarre Géométrie variable Fayard 2006 / 14 € - 91.7 ffr. / 158 pages ISBN : 2-213-62702-9 FORMAT : 12,0cm x 18,5cm Imprimer
Revient-on victorieux de la chasse au père ?...
Nuit blanche de nouvel an ; Olivier fonce, hagard, sur les routes de France, bousculant comme au bowling quelques-uns des 36 000 villages hexagonaux
Envie de course, de fuir dans livresse, pourquoi pas tuer quelques innocents au passage, moins par gratuité que pour étancher une vengeance. Terrible douleur
Laquelle ? Sur la route sifflée à speed-allure, le temps trop court - de ce roman, au fil de mots mitraillés, on comprend lorigine du mal : labandon du père
«Jai glissé jusquà labîme, roulé sourdingue dans mon avion sans ailes, gamin énervé qui en fait voir au pays.» (p.26)
Assez banalement, Olivier, jeune trentenaire, peine à digérer un crime originel, le départ dun père à peine entraperçu donc, le temps de deux ans, remplacé comme si de rien, par un papa génétiquement usurpateur mais de cur authentique. Nempêche, avoir été tenu dans ce secret pendant des années, jusquà celle de ses neuf ans, a laissé, profonde, une blessure non cicatrisable
Le papa du sang, judas génétique, a, entre temps, tronqué un nom pour un autre, Triangle pour Losange
Géométrie variable
Comme si être père pouvait sesquiver par un tour de passe-passe, deux traits tirés
Olivier a néanmoins fini par retrouver le fuyard, et fracasser ses espoirs de gosse contre le mur de plomb dune réalité en fait sans surprise : devenu père dun autre, Losange ne redeviendra pas Triangle, ou alors, peut-être, pour signer un chèque rédempteur. Point barre. Et pas de quoi donner au fils devenu adulte loccasion dun soulagement : «Pessimiste, triste, angoissé de tout, déprimé sept jours sur sept. Toujours en boule. Tout seul.» (p.80)
Mais loccasion dun livre
celle dune plume exutoire, à la violence sublime, comme un cri denfant, légitimement capricieux, réclamant son papa
Olivier Bordaçarre signe ici un roman féroce, véloce, où tout renferme son contraire : la tendresse dans la rage, la peur dans un va-tout taurin, et lapaisement dans les foudres mêmes de lexistence. «Je vais pas faire de la poésie sur un jet de foutre. Pas la peine. La poésie mérite mieux.» (p.35) Et pourtant
Car le narrateur a beau rentrer bredouille de cette course existentielle, il en ramène, malgré tout, quelques pages puissantes et mémorables. Et en plus de donner lenvie de lire de bout en bout ce premier roman dont on attend les suivants, lauteur pousse à vouloir à son tour écrire, et mettre, noir sur blanc, ces sentiments qui encombrent, et que quelques mots suffisent à sublimer
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 06/02/2006 ) Imprimer | | |