| Pierre Gillieth Les Dioscures Auda Isarn 2002 / 15.00 € - 98.25 ffr. ISBN : 2-910726-41-X
Ouvrage disponible par correspondance : Auda Isarn / BP 90825 / 31008 Toulouse cedex 6. 15 euros (port compris, chèques à lordre de Auda Isarn). Imprimer
Voilà un livre subtil. Une variation sur les dioscures, autrement nommés Castor et Pollux, qui dans la mythologie grecque étaient soient fils jumeaux de Zeus, soit de Tyndare (roi de Sparte) et de Léda, auxquels on rendit un culte et qui furent souvent associés aux Gémeaux.
Une variation donc, qui se dessine peu à peu, qui progresse, comme afin de mieux illustrer son sujet, par alternance, en jouant sur une temporalité double : lAntiquité et lépoque actuelle. Une construction de lintrigue fine qui sélève en un jeu de thèses et dantithèses renouvelées vers une synthèse finale aussi énigmatique quévidente, aussi limpide que trouble : à laquelle, en dautres termes, il est donné dinterroger la gémellité et ses mystères, et, puisque souvent les jumeaux divins incarnent, pour finalement mieux les réunir, des forces opposées, davoir la belle ampleur sacrée de la conjonction des contraires.
Ainsi, si les protagonistes du roman, Pierre et Lukos (on sattardera volontiers sur la symbolique de tels prénoms), en un va-et-vient entre la Grèce antique et nos temps modernes, sont saisis et décrits respectivement dans leur quotidien, ils sont surtout, au sens étymologique, ravis et enthousiasmés en tant que, par-delà les siècles qui les séparent, ils rencontrent le divin, quils «naissent» à la fatalité qui, tout au long du récit, en mode occulte, les gouvern(ai)ent et les associ(ai)ent : ils passent de la destinée au destin, de laventure à lodyssée, de la vie à lexistence, de la dualité à lunité.
En même temps, une façon toute borgesienne, voire perutzienne, se fait jour, qui sollicite les références afin de les mettre en abîme, qui affronte les correspondances afin de creuser un vertige, qui désaxe lhistoire pour lorienter vers lHistoire vertige, abîme, désaxement qui laissent le lecteur dans une espèce de hantise : celle davoir soulevé le voile des apparences.
Cependant, le propos de Pierre Gillieth nest pas froide intellectualité mais sensible, mais très ressenti, qui nous invite, par exemple, à découvrir la belle Toulouse, Sparte, comme les milieux du noble art, et que sert un style précis et parfois précieux, souple et parfois actuel, un style que tentent limage formidable, la fulgurance, les mots qui font rêver : «et la lune, ce soleil chauve, sempara du ciel pâle, en attendant la nuit» ; «sur une corde séchaient des poulpes, avec leurs tentacules déracinées» ; «et vous êtes durs et implacables comme lhiver tueur de bufs». Enfin, ce qui nest pas dimportance moindre, le roman Les Dioscures, plus largement, renoue avec un aristocratisme certain où héroïsme, respect hautain et conscience austère de soi sont mis en avant dans le mépris des comportements de nos sociétés consuméristes.
Un livre que, pour sa grande poésie et pour la magie de sa narration, on se doit dêtre en hâte de découvrir.
Arnaud Bordes ( Mis en ligne le 28/03/2006 ) Imprimer | | |