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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Carlos Liscano Souvenirs de la guerre récente Belfond 2007 / 17.50 € - 114.63 ffr. / 159 pages ISBN : 978-2-7144-4243-7 FORMAT : 14,5cm x 22,5cm
Traduction de Jean-Marie Saint-Lu. Imprimer
Les éditions Belfond poursuivent la publication de luvre de Carlos Liscano, uruguayen, né en 1949 et emprisonné de 1972 à 1985. Auteur original, qui simpose comme lun des grands romanciers sud-américains. Cest en prison que Carlos Liscano, mathématicien de formation, a découvert lécriture. Il sen explique dans lavant propos de Souvenirs de la guerre récente, où il raconte comment entre les murs du pénitencier de Libertad, un nom paradoxal, il a «échappé au silence» en écrivant. La lecture de D. Buzzati et plus précisément de sa nouvelle, Les Sept messagers, a été le déclic libérateur. A linstar du héros dont la mission est de partir («vivre cest séloigner de ce quon aime le plus, sans possible retour», p.11), Liscano découvre le pouvoir libérateur de lécriture : «Ecrire, cest essayer de connaître ce qui viendra» (p.13). Le texte de Buzzati lui a d'emblée paru si précieux quil la recopié de peur de ne pouvoir obtenir lautorisation dun second emprunt à la bibliothèque du pénitencier. Souvenirs de la guerre récente sinscrit volontairement dans une imitation/inspiration du Désert des tartares.
Le récit commence un après-midi : des militaires viennent chercher lhomme que la première phrase du livre a présenté : «jétais marié depuis peu et javais une maison à moi». Écrit à la première personne, du singulier puis du pluriel lorsque le personnage accepte son destin collectif, le roman est le récit dune attente et dune révélation. Attente du héros, homme ordinaire, conduit à lengagement militaire pour une guerre possible, qui se dépouille progressivement de son identité tout en acquérant dans ce dénuement une liberté inconnue. Il est brutalement entraîné dans un univers qui simpose comme absurde au lecteur : la répétition des tâches quotidiennes, lentretien des lieux, le concours du plus beau jardin dans le camp et le dérisoire prix qui le récompense
La préparation dune guerre annoncée, la rupture de tout lien personnel, les hiérarchies neuves qui sétablissent, les plaisirs minuscules et la reconnaissance dans les travaux imposés : garde du rocher, ramassage du crottin, dactylographie de textes, traduction dun manuel sur les fusées, émulation permanente et inutile à la fois. Tout organise la trame dune vie neuve dans laquelle le narrateur se découvre une liberté inattendue : «La vie civile, cétait la liberté. Mais quest ce que cette liberté où tout est permis, sans aucune règle, sans objectif à atteindre ? Notre concept de la liberté, si toutefois nous en avions un auparavant, avait subi un changement radical. La liberté, cétait faire son devoir sans attendre de récompenses extraordinaires, obéir à ce qui était stipulé pour tout le monde, sans rien recevoir en échange» (p.139).
Rendu à la vie civile, il reviendra volontairement à la vie militaire : «Que ce soit bien ou mal, on peut comprendre quune fois que la vie a trouvé un sens, il nexiste plus dautre activité à laquelle se consacrer» (p.154). La liberté grâce aux contraintes, la force de lesprit, on peut penser aussi à la célèbre phrase de Sartre : «jamais nous navons été aussi libres que sous loccupation allemande» (Situations III).
Le héros de Souvenirs de la guerre récente annonce somme toute le Vladimir de La Route dIthaque dont le périple européen sur les voies de lexil le conduisait à se détacher de tout pour arriver à lascèse la plus absolue, condition là aussi dune liberté exigeante. Carlos Liscano : un auteur à découvrir, si ce nest déjà fait
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 20/04/2007 ) Imprimer
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