| Arnaud Bordes Le Bazar de Clodagh Auda Isarn 2007 / 15.00 € - 98.25 ffr. / 121 pages ISBN : 978-2917295007 Imprimer
Incantations pornographiques, incitation à la débauche, hymne à la sauvagerie, à lordure, dans la lignée meurtrière du divin marquis ; putains saccagées, ébats lesbiens, supplices vertigineux, ce recueil de six nouvelles putrides, dune cruauté inouïe, révèle un extraordinaire écrivain, hanté par le stupre et les enfers.
Lire Le Bazar de Clodagh, cest se perdre dans les bas-fonds sanglants encombrés détals de bouchers, les troubles faubourgs de Vlachernes, les bordels fangeux quaurait pu peindre Otto Dix ; cest aussi se scandaliser de ces charniers anatomiques, ces mutilations abjectes, que lon souhaiterait illustrées par Hans Bellmer ; mais cest surtout un texte violent, éminemment corrupteur, à ne pas mettre entre toutes les mains. Chastes épouses, dévotes militantes, ne lachetez pas : tant on y célèbre de ces cultes païens, ces fastes nécrophiles, et de toutes ces amputations souillées de sperme, ces fornications moisies : «Le boudoir blanc devint un abattoir humide dune rosée de carnage.» Ce sont enfin des clameurs immondes qui résonnent jusquà nous, ce braillement des lames de sabres, de poignards à chaîne dargent, de tous ces arsenaux pervers, faisant le bonheur des bourreaux les plus virtuoses, ces cris de douleur grasse aux confins de lignoble, dun érotisme quasi intolérable ; un peu comme si le meilleur film gore était remâché par Tinto Brass ou le Pasolini glacial de Salo ou les 120 journées de Sodome. Loin des champs de bataille, des civilisations pré-humaines de ses titres précédents, lauteur nous convie désormais au chevet de jeunes filles faciles, de prieures expérimentées, voire de barbares dun Kâma-Sûtra dégénéré.
Il faut absolument lire le dernier Arnaud Bordes, digne héritier des littératures proscrites, érudit que lon imagine possesseur dopuscules clandestins, interdits ; grand lecteur des naturalistes oubliés, de Paul Adam auquel lon doit certainement quelques inspirations byzantines, Pierre Louÿs également, Jean de Tinan quil exhume pour notre plus grand plaisir, ladmirable Félicien Champsaur, sans oublier le fantôme dévergondé de Mandiargues, qui apparaît ici ou là. De toutes ses uvres, Le Bazar de Clodagh est sans doute celle qui représente le mieux le génie poissard et précieux de son auteur, une parfaite consécration pour un style inégalable, raffiné, ses phrases difficultueuses, son vocabulaire dévoyé, cérémonieux, portant haut limparfait du subjonctif ; bref de lorfèvrerie en décomposition : «Jeusse aimé me tatouer avec les râles de son orgasme.».
Le Bazar de Clodagh est un véritable chef-duvre de notre littérature obscène.
William Tellechea ( Mis en ligne le 09/11/2007 ) Imprimer
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