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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Franz Bartelt Pleut-il ? Gallimard - Blanche 2008 / 15.90 € - 104.15 ffr. / 224 pages ISBN : 978-2-07-078578-0 FORMAT : 14,0cm x 20,5cm Imprimer
On dit de Franz Bartelt que ses livres sont déjà tous écrits et quil les publie à mesure quil achève de les saisir sur son ordinateur. Il les aurait écrits la nuit, alors quil travaillait à lusine dans les années soixante-dix et quatre-vingts. On dit aussi quil continue décrire 13 heures par jour en se levant à 5 heures tous les matins pour tenir un journal, qui depuis vingt ans remplit déjà plus de 100 volumes
On dit quun jour il aurait dû avoir le Goncourt, enfin, sil avait daigné quitter les odeurs mouillées de la forêt ardennaise pour les lumières parisiennes et les frites pour les petits fours des cocktails. Tout cela est sans doute vrai et faux à la fois. Mais il est bien étrange de voir la légende entourer cet écrivain discret qui naime rien tant que se moquer des légendes entourant les livres et leurs auteurs.
On trouvera ainsi dans Pleut-il ? des conseils techniques pour faire une nouvelle, suivis de modèles du genre, des stratagèmes pour commencer un roman, des dialogues réussis sur des sujets impossibles et même, en cas de pénurie, un conte de Noël type que lon imagine très bien pouvoir adapter à nimporte quelle actualité. Au passage, on découvrira aussi liniquité du Scrabble, la poésie de la gaufre, le sens unique du mot «unique», le bon usage de lexpression «Mes amis de Paris» ou encore le potentiel érotique dun mouvement déventail, en plein été, dans la chaleur silencieuse dune église
Autant dire que les adeptes dune littérature engagée sur des enjeux qui lui confèrent sa respectabilité seront déçus : tous les textes ici sont des jeux, des délires, des méditations douces amères ou des réflexions ironico-critiques, à la croisée du bon sens et de labsurdité ordinaires. Le sérieux évacué, place à la légèreté, à la drôlerie et à la tendresse. Bartelt retrouve Queneau, Simenon, un peu de Marcel Aymé ou de Maupassant, Devos parfois et Dubillard souvent. Avec ce dernier livre, il propose un recueil de textes courts, certes un peu disparates au premier abord, mais dont lunité tient à la virtuosité dune écriture qui ne cède jamais à la facilité, fusse pour évoquer les gaufres, la profondeur effrayante de limbécillité ou simplement le plaisir de profiter du matin quand on se lève tôt.
Au fil des textes, au gré de leurs trouvailles, au rythme des sourires de la lecture, on approche un peu plus près lironie dune poésie, qui préfère le masque de lhumour et de linadvertance aux tourments narcissiques dune littérature apparemment plus «sérieuse». Se demander par exemple, comme Bartelt, «Dans lexpression si ça tombe, que représente ça ?», est dune certaine manière totalement inessentiel et en même temps manifeste une attention à la langue réelle, celle qui se trouve parlée tous les jours, et qui pour cette raison, sen trouve oubliée. Bartelt révèle ce fond dabsurdité qui leste notre parler quotidien, de la même manière que ses nouvelles ou ses courts récits décrivent le fond dabsurdité sur lequel se déploie le quotidien de nos existences.
Pleut-il ? constitue donc une bonne entrée dans une uvre déjà riche dune vingtaine de romans, dune dizaine de pièces de théâtre, de recueils de chroniques et dun premier recueil de nouvelles. On y découvre à coup sûr limmense talent dun auteur qui sait que «faire un livre» nest, en réalité, pas une affaire sérieuse, et que seul compte le plaisir de lécriture doublé pour ainsi dire, du plaisir de sa lecture.
Thibaut de Saint-Maurice ( Mis en ligne le 09/01/2008 ) Imprimer | | |
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