| Gilles Rozier Projections privées Denoël 2008 / 20 € - 131 ffr. / 314 pages ISBN : 978-2-207-25984-9 FORMAT : 14,0cm x 20,5cm Imprimer
Projections privées nest pas une histoire, mais des histoires qui se rencontrent, sabandonnent dans un jeu de miroirs. Son identité pour reflet, chaque personnage tente de se connaître, se reconnaître. Quelquefois, ce reflet fait peur ou attire, mais il est obsédant.
Il y a dabord un couple, celui de Bernadette et Philippe Levy Saltiel, qui achète une officine en province. Réticente, Bernadette préfère se taire pour plaire à son mari arrogant et violent. Car elle est soumise, ferme les yeux sur ses invectives incessantes, ses adultères. Lhumiliation et la crainte ne sont rien face à lintolérable solitude. Très vite, on les évite, on les menace, Philippe se persuade que son identité judaïque en est la cause, une identité comme une empreinte indélébile et cette image paternelle dont il ne sait comment saffranchir. Du haut de sa chambre, Victor vit dans le silence, il rêve dun ailleurs, loin de ce beau-père tyrannique, un univers où son père décédé reprend forme.
Son professeur Martin Delannoy regarde avec tendresse et inquiétude cet élève surdoué qui lui ressemble tant, choisissant la fuite pour seule réponse à une enfance cauchemardesque. Il se souvient de sa mère Renée, être fragile qui na eu de cesse de sexcuser de sa judaïté, face à lintransigeance de son mari catholique. Elle voulait oublier la douleur, oublier la mort de son père à Auschwitz, oublier même son prénom, Rebecca, sextraire dune communauté, comme on souhaite sextraire dune prison peuplée de fantômes.
Sans emphase, Gilles Rozier lie ces histoires par le témoignage de Madeleine sur la France occupée, les rafles, la déportation, la haine et lincompréhension ; Madeleine est ce fil dAriane qui mène vers la connaissance et lacceptation. Roman aux multiples facettes, Projections privées sapprivoise, se découvre peu à peu, sintensifie, pour laisser la place à un livre marquant, presque entêtant.
Catherine Martinez-Scherrer ( Mis en ligne le 27/02/2008 ) Imprimer | | |